C'est également par l'attitude seule des personnages que Fabianny Deschamps raconte quelque chose du 21e siècle. Dans New Territories la Française, impressionnante de froideur, arborait un visage impassible que l'on pouvait percevoir comme un bouclier face à la violence de l'ultralibéralisme dans lequel elle baignait. [Dans Isola] Dai, toute pragmatique qu'elle est aussi (il faut l'être pour survivre, enceinte, dans un tel dénuement et en terre étrangère), émeut par son apparente candeur, par ses joies enfantines, une sorte de naïveté. Sa réponse à elle, face à la barbarie du monde, est le refuge dans l'imaginaire et la pensée magique. Elle prie, s'adonne à des cérémonials. Elle a confiance, ils vont lui ramener son mari.

"...Au milieu brille une actrice dont il faut dire le nom Yilin Yang qui sublime l'ensemble de ce film qui s 'intitule ISOLA."

Ecouter le PODCAST de l'émission du 10 décembre présenté par Christine Masson et Laurent Delmas 

Le film est né du constat qu'a fait F. Deschamps de ce que les images de migrants nous étaient délivrées par les médias sans ressenti. Le scénario du film est né comme une pulsion et le tournage à Lampedusa et ailleurs, n'a pas couté plus qu'un court-métrage. Au montage, l'histoire a été mise de côté, donnant au film une lecture multiple comme l'a exprimé le public après la séance : œuvre d'art incontestable, Isola est comparé à une peinture non figurative. D'autres se laissent porter par la lecture directe de l'intrigue. La dimension symbolique prend la forme d'un conte.

... La musique* participe à provoquer à partir de ce drame de société une expérience immersive. Elle transmet des sensations abstraites mais dérangeantes. Ces nappes éthérées et hypnotiques nous bercent autant qu'elles nous réveillent. On pense à ce que Popol Vuh a fait pour Werner Herzog (Aguirre la colère de Dieu, 1975) avec la même étendue mythologique, aidée par l'apport des voix. Ces Chœurs féminins célestes, avec des violons et un orgue cosmique amènent au conte. La réalisatrice parle d'un « chant des sirènes ». Par ailleurs, la musique a une portée psychologique, apportant son éclairage et une empathie sur l'état de cette jeune Chinoise enceinte qui survit dans sa grotte.

*créée par Olaf Hund