Dans ma tête un rond point

Un film de Hassen Ferhani

Dans ma tête un rond point

Un film de Hassen Ferhani

Algérie, France, Qatar, Liban, Pays-Bas - 2015 - 100 min

Dans le plus grand abattoir d’Alger, des hommes vivent et travaillent à huis-clos aux rythmes lancinants de leurs tâches et de leurs rêves. L’espoir, l’amertume, l’amour, le paradis et l’enfer, le football se racontent comme des mélodies de Chaabi et de Raï qui cadencent leur vie et leur monde.


Sorti le 24 février 2016

Sortie non communiquée

À propos de Dans ma tête un rond point

« On ne ment pas mais on ne tombe pas dans la vérité ». C'est Amou, un personnage, qui propose ce titre pour le film. Il insiste : chacun pourra l'interpréter comme il veut, ce titre. Et puis il faut inventer.

Créer quelque chose à partir de rien. Faire avec le néant ou le trop peu. Chacun des personnages de ce film fait ça : il invente. Il transforme comme il se doit la vie du travail, et le travail lui même. Ce travail physique, dru, qui consiste à transformer des bêtes en viande. Le travail. Aliénation, forcément. Rythme durs, fatigue. 

Et comme en creux, tout le reste : le colonialisme, la lutte, les classes. 

Le cinéaste filme cette invention, ce mouvement vital des personnages dans le quotidien du lieu. Chacun le fait comme il peu, au mieux. L'amoureux aime avec passion, le poète chante les étoiles, la jeunesse rêve d'ailleurs lointains sans trop savoir ce qu'ils contiennent, l'oiseau clandestin interroge sa destinée. 

Et le lieu est là, grand corps traversé par les hommes et les bêtes qu'on mangera, leurs peaux et leurs odeurs, la chaleur qu'on sent sur les hommes et la pluie qui parfois bouscule le paysage. 

L'abattoir, un lieu depuis lequel on voit. 

Le monde entier donné depuis cette fenêtre. 

Les lampadaires ocres et les néons violets. Les murs qui racontent les jours et les nuits, le sang des bêtes en flaques par terre. Le précaire. Une tension permanente. Les séries doublées en français et les chansons qui disent l'amour avec des mots immenses, presque écrasants. Presque. 

Youcef dira que dans sa tête il y a un rond-point et mille routes, qu'il ne sait pas laquelle est la sienne. Chaque homme dans ce lieu est face à tous les possibles. Les vieux, les jeunes, tous sont filmés de manière ouverte. Par là ? Par ici ? Tant que je vis, tout peut arriver et la révolution viendra. Ici aussi. Peut-être. Mais le pire guette toujours, une ombre de tristesse gluante comme le sang des bêtes qu'il faut laver. Qui n'empêche ni la joie ni la musique. Connaissez vous les étoiles ? Benzema a refusé de chanter la Marseillaise. La parabole reçoit mal. Et les carcasses dansent leur gigue lourde. 

Pas de mensonge, mais pas de vérité non plus. On est dans la vie vivante et on sourit. Des grands sourires troués.

Naruna Kaplan de Macedo

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Cinéaste


Paroles de cinéastes

À propos de Dans ma tête un rond point

Dans ma tête un rond-point s'ouvre sous le double signe du cinéma et de la poésie. Un garçon qui actionne sur fond de murs sanglants une manivelle qui rappelle celles des caméras d'antan, un vieil homme qui évoque la mort, les anges et la fin de la vie, un cadre mis en perspective par une étroite fenêtre devant laquelle passent les uns et les autres, et nous voilà embarqués dans un projet ambitieux qui ne nous lâche pas en route. Fermement appuyé sur des plans rigoureux, soignés, une caméra toujours au bon endroit, un hors-champs évocateur et précis, Hassen Ferhani compte sur le cinéma pour nous immerger dans ce théâtre de vie et de mort que sont les abattoirs d'Alger. Seulement dans ce huis-clos, pas de spectacle de la cruauté, pas de décryptage des mécanismes du travail de la viande, pas de propos sur la souffrance animale. Ce qui intéresse le cinéaste ce sont les gens, ceux qui travaillent ou habitent les lieux, leur présence charnelle, leurs visages, ravinés, ou bien jeunes et lumineux. Figures chaque fois singulières, ils sont filmés dans leurs moments de pause, dans les interstices de leur quotidien prosaïque. Devant la caméra attentive, patiente d'Hassen Ferhani, chacun existe dans sa complexité, sa fragilité, son innocence. Les bêtes trépassent et les hommes parlent d'amour ou de Dieu, de métaphysique ou de religion, exprime ce qui le meut, son intimité singulière. Aussi brisés par la vie, pauvres, démunis quʼils soient, leurs paroles distillent une poésie profonde, presque philosophique. Ils sont pertinents, drôles, décalés, héros d'un quotidien difficile, avec si peu de perspectives. Ils nous en disent tant sur l'Algérie d'aujourd'hui, ses espoirs contrariés, ses conflits de générations, ses blocages. 

Et en dernier ressort nous retournons au cinéma, à l'artifice illusoire de toute immersion dans le réel, avec cette ultime discussion sur le titre du film entre le réalisateur et l'un des personnages. La boucle est bouclée avec une maîtrise réjouissante.

Marion Lary

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Cinéaste


Paroles de cinéastes

À propos de Dans ma tête un rond point


Il y a d'abord l'incroyable décor qu'est cet abattoir d'Alger, avec ses couleurs vives et ses rites mystérieux (des chaudrons fumants que l'on touille, des peaux de bêtes qu'on empile). Est-on dans le présent ou dans l'Antiquité, avec ses oracles et ses Sphinx, son chœur de personnages qui nous disent tour à tour, leurs visions, leurs rêves ou leurs désillusions ?

Dans ma tête un rond-point est un film intrigant, avec ses pleins et ses vides, qui passe, de manière très libre, de l'agonie des bêtes aux confidences des hommes, de l'agitation du quotidien aux accents fantastiques de la nuit.

La caméra de Hassen Ferhani est aux aguets, elle fait surgir des images insolites, explore chaque plan en profondeur et joue du réel et de l'artifice pour mieux nous faire plonger dans le grand théâtre de la vie, dans toute sa dimension existentielle et prosaïque.

Et au travers des personnages que l'on croise (Amou et sa mouette, le vieil Ali, les jeunes Youssef et Hocine), c'est l'Algérie qui affleure dans ce documentaire aussi drôle que mélancolique : l'héritage colonial, le peuple oublié, le cri d'une jeunesse étouffée.  Une belle découverte.


Sylvie Larroque

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Programmatrice


L'Atalante Bayonne
Paroles de programmateurs

9 films ACID dans le Mois du Film Documentaire 2019

Le Mois du Film Documentaire, coordonné par Images en Bibliothèques, comprend cette année une très belle sélection, dont neuf films ACID :


   • Belinda de Marie Dumora

   • Bovines - ou la vraie vie des vaches de Emmanuel Gras

   • Cassandro the Exotico! de Marie Losier

   • Dans ma tête un rond-point de Hassen Ferhani

   • Des hommes de Jean-Robert Viallet & Alice Odiot 

   • M de Yolande Zauberman

   • Of Men and War [Des hommes et de la guerre] de Laurent Bécue-Renard

   • Quelle Folie de Diego Governatori

   • Kongo de Hadrien La Vapeur & Corto Vaclav


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