Anne
Faucon
Programmatrice
Plus encore que l'histoire d'un amour, c'est celle d'une émancipation, une ode à la liberté.
The Bear, « L'Ours », c'est cet être bourru et sauvage qui sert à Mickey de père, du moins quand il n'est pas bourré ou défoncé par les médocs, les opiacés. Rude prix à payer pour cet écorché vif qui ne cesse de fuir les sourdes séquelles d'un passé cauchemardesque. Hank est un vétéran. De quelle guerre ? Qu'importe ! Aucune n'est propre. James Badge Dale, qui incarne le personnage, excelle à le rendre aussi détestable qu'attachant.
À l'ombre de cette existence, qui tient plus de la survie que de la vie véritable, Mickey a grandi, avec la détermination farouche d'une plante adventice qui impose sa calme présence resplendissante (Camila Morrone, dans le rôle, est d'une grâce folle, à tomber !). Entre éclats de rires, éclats de voix, larmes et gestes de tendresses, elle s'est habituée à endosser le rôle d'adulte délaissé par l'homme de la maisonnée, pour lequel elle joue les anges gardiens.
Dans cette relation terriblement bancale, où père et fille sont tout l'un pour l'autre, une affection complice fuse, troublée par la culpabilité. Que deviendrait Hank sans sa rejetonne, alliée inconditionnelle, ultime lien avec la réalité d'un monde qui progressivement l'abandonne ?
Épatant premier film, plein de pudeur et d'empathie. La réalisatrice nous invite avec subtilité à aimer ce qui n'est pas aimable, propulsés que nous sommes dans le maelström de sentiments qui happent son héroïne vers une nasse mortifère. Mais ce qui prédomine, c'est cette force vitale viscérale, vivifiante, qui emporte tout sur son passage, laissant derrière elle une impression lumineuse qui persistera longtemps. Preuve que le cinéma indépendant américain est bien vivant.
Anne Faucon
-Programmatrice
Publié le mardi 21 janvier 2020