À propos du Cauchemar de Darwin

Oren
Nataf

Cinéaste

Chronique de la fin du monde. Au commencement un homme, par une après-midi ensoleillée des années 60, se promena près du plus beau lac du monde (le Lac Victoria, Tanzanie), avec un petit seau d'eau. Dans le seau nageait un petit poisson, fruit des expériences de l'Homme, (la Perche du Nil) et fit un petit saut dans le lac. Quarante ans plus tard, le petit poisson avait grossi et dévoré toutes les espèces du lac, si bien qu'aujourd'hui, il dévore ses propres petits…


Parallèle de l'histoire des Hommes ? A cela près que cette petite histoire d'apocalypse catastrophique est aussi au cœur d'un réseau d'échanges aux effets dévastateurs et d'échelle planétaire…car la chair de la Perche du Nil plait à l'Européen.


Le Cauchemar de Darwin dissèque la société qui s'est développée autour de ce lac et la région devenue totalement dépendante de l'exploitation de la Perche du Nil : est-ce le poisson, où l'Europe, avec ses belles politiques, qui a englouti toutes les autres activités qui existaient ? Hubert Sauper, tel un scientifique, expose l'exode des fermiers obligés de quitter leurs terres en laissant femme et enfants derrière pour se faire pêcheurs au bord du lac. Il expose la réussite éphémère des usines qui exploitent la pêche, là où le poisson est préparé au goût de son prédateur européen, ce qui en rend le prix prohibitif pour les pêcheurs. Il expose le devenir des « restes », et qui les mange : les asticots et la population locale. Il expose le piège qui se referme sur les femmes abandonnées qui se prostituent, destinées à une mort violente ou sidaïque-et leur rôle dans la prolifération de la maladie. Il expose les enfants qui oublient l'horreur qui les a accueillis en sniffant les emballages de poissons après les avoir fait fondre. Enfin, il expose la radiographie du trafic auquel se livrent en réalité les avions russes qui emportent vers l'Europe la Perche du Nil de nos assiettes : ils apportent des armes.


Si Darwin étudiait l'évolution des espèces, Hubert Sauper étudie avec génie les espèces qui, en se développant, en viennent à dévorer ceux de leur propre espèce, la Perche du Nil et l'Homme. Document et sujet exceptionnels, ce film cru, lucide, pose la question : Sommes-nous prêts à nous regarder dans le miroir ? C'est-à-dire à l'intérieur de notre poubelle ? Car ce film soulève en quelque sorte le couvercle de notre poubelle collective. Ce film est à voir au même titre que Nuit et Brouillard d'Alain Resnais.

Oren Nataf

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Cinéaste


Publié le mardi 12 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Le Cauchemar de Darwin

Un film de Hubert Sauper
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