Depuis des années déjà, Pierre Léon et des Spy Films peaufinent en douce (et jusqu'ici en vidéo), une œuvre de cinéastes. Entre Paris et la Creuse s'élabore un travail insolemment libre fondé aussi bien sur une autarcie financière quasi-totale que sur une ouverture revendiquée à tous les apports d'une culture érudite (tant musicale que littéraire, picturale et… cinématographique) : un phalanstère de cinéastes sophistiqués et francs-tireurs. Cette démarche coopérative et romanesque reconnue maintenant dans toute l'Europe permet de mieux saisir l'originalité profonde de L'Adolescent. Premier de leurs long-métrages tourné sur pellicule (quand tous les professionnels de la profession s'émerveillent du passage au DV), partout scintillent dans L'Adolescent, cette parfaite indépendance, cet amateurisme radical, militant, qui en font l'élégance tragique. Le film de Pierre Léon (qui couronne le cycle du Dieu Mozart) s'avance alors en majesté, dans un monde diaphane d'intrigues familiales : un Paris propice au complot, un univers instable où russes blancs et mélomanes se côtoient, se déchirent, et dont l'adolescent sortira meurtri mais enfin autonome et libre. Pendant que Cannes se voit de nouveau menacé par l'insignifiance endémique des images, le classicisme coupant de Pierre Léon nous invite à revoir point par point (cadrages, actorat, dialogues, montage, musique) ce qui nous lie encore au Cinéma. Du coup ce projet fou devient notre urgence et L'Adolescent nous rappelle à l'ordre de l'intégrité artistique… et du pur plaisir.
Publié le lundi 18 septembre 2017