Alors qu'il couvre un reportage en tant que journaliste dans le Sud de l'Algérie, Ibn Battuta est amené à poursuivre son enquête à Beyrouth. Commence dès lors pour lui une quête initiatique qui le conduit sur les traces de la révolte des Zendj, ces esclaves noirs qui, au 9ème siècle en Irak, s'insurgèrent contre le pouvoir du califat Abbasside. En parcourant les territoires depuis l'Algérie jusqu'en Grèce en passant par le Liban, Tariq Teguia cartographie les luttes d'hier et d'aujourd'hui comme autant de lignes de fuite, de voies de traverse, de sillons clandestins, d'impasses, mais aussi d'allants et d'espoirs. Le spectateur est à la fois le témoin et l'arpenteur d'un récit hypnotique et visionnaire, jalonné par la circulation de l'argent et le soulèvement des hommes, où l'amour et la mort s'entremêlent sous l'assourdissant vacarme du monde. Au-delà de sa remarquable maîtrise plastique, le film invite à la réflexion autant qu'à la contemplation, faisant de sa mise en scène complexe et ludique un écran où se projettent tantôt l'Histoire, tantôt l'imaginaire, invitant l'esprit à de multiples interprétations. Revolution Zendj dissèque nos croyances sous le prisme d'une mondialisation chaque jour grandissante, et s'impose comme une sidérante archéologie du vivant. Confusions des temps et des espaces, dissémination des traces et recomposition des ruines, le film ne cesse de se déployer pour interroger, ressentir, questionner d'où l'on vient, qui nous sommes, et où l'on va. Cette ambition se dessine dans la trajectoire même du personnage principal qui doit remonter le cours du temps jusqu'à sa source pour espérer saisir l'état du monde contemporain, et appréhender celui qui vient. Ce magistral retour vers le futur émeut autant qu'il trouble, et son cri résonne fort : résister, encore et toujours. Persister dans la lutte.
Publié le lundi 11 septembre 2017