À propos de Jeunesse dorée

Claire
Simon

Cinéaste

J'ai pleuré en voyant les héroïnes de ce très beau film remercier la montagne de leur avoir donné raison. Oui, elles ont eu raison de partir. Pas très loin, pas en Amérique, en France. Zaïda Ghorab-Volta, à travers ces deux jeunes filles nous fait découvrir la France. Pas pittoresque du tout, simplement insoupçonnée, inconnue des deux héroïnes et finalement de nous, les spectateurs. Ça fait du bien de partir, encore faut-il y arriver.


Partir d'où ? Du bâtiment, de la cité de la banlieue. Mais attention, de la banlieue, Zaïda Ghorab-Volta refuse le typage identitaire. Non, dans ce film, on ne parle pas de nationalité, de sang, de couleur de peau, on parle de sol, de géographie, de lieux et de l'enchaînement tragique des faits.


Pas de sentimentalisme, pas de larmes, tout est en béton. La mise en scène décrit les faits lapidaires : « va chercher 15 francs de viande hachée » dit–elle à sa sœur. C'est pour toute la famille. C'est tout, ça suffit, on a compris. Zaïda Ghorab-Volta dessine sèchement ce qui donne envie de fuir ou de mourir. La violence des faits, les deux héroïnes du film en prennent acte à leur manière, par un très beau geste. Elles photographient les gens du quartier devant leur maison. Elles disent : Souriez ! Soyez tristes ! Faites les fous ! Pas à pas, maison après maison. Elles arpentent comme des géomètres, elles balisent. Oui, elles ont peur des autres, peur de partir, mais ça ne les arrêtera pas. Elles veulent aller photographier ceux qui vivent ailleurs comme ici, elles veulent partir mais pas fuir.


_ Donc elles voyagent à la recherche d'autres bâtiments en France, construits loin de tout pour ceux qui n'ont rien. Des barres perdues dans la campagne.


_ Outre la joie que l'on a de voir enfin quelqu'un faire cet état des lieux dans un film, de nous montrer la répétition, l'acharnement des faits accomplis : où sont toujours construites les cités dortoirs, on jubile de voir la France provinciale devenir le Nouveau Monde pour les deux voyageuses. Une terre inconnue où l'on pourrait vivre, qui sait… Bien sûr les voyages forment la jeunesse et, rencontrant des autres, semblables et différents, c'est d'abord elles-mêmes que les deux voyageuses découvrent.


_ L'immensité de la montagne leur ouvre les yeux sur ce que le « bâtiment » a imprimé dans leur cœur comme RESISTANCE : à la fois de la force, de la révolte et de l'enfermement.


Comme obéissant à la méchante boutade « va voir ailleurs si j'y suis » les deux jeunes filles ont franchi les murs de leur monde, elles ont réinventé une utopie, que la vie est possible ailleurs avec d'autres, peut-être, un jour.


Quel courage de se dire qu'on n'a encore rien vu quand on a grandi en enfer !

Claire Simon

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Cinéaste


Publié le vendredi 15 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Jeunesse dorée

Un film de Zaïda Ghorab-Volta
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