À propos de La Révolution sexuelle n'a pas eu lieu

Vincent
Dieutre

Cinéaste

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C'est la question que pose joyeusement Judith Cahen en nous conviant à son grand déballage de printemps. Eh oui, contrairement à ce que l'on s'évertue à nous faire croire, la révolution sexuelle, comme la Guerre du Golfe, n'a pas eu lieu. Tout reste à faire et Anne Buridan décide de commencer par un peu de rangement... À 30 ans, elle n'a « plus une minute à perdre » : serait-ce le signe d'un salutaire appétit de vivre, d'en découdre avec le désir, la politique, les images ? Ou, plus discrètement, l'émergence du doute et d'un sentiment « tragique de la vie » qu'engendre peu à peu l'angoisse du temps qui file si vite, l'adolescence qui s'estompe ? Va savoir... ? Film-labyrinthe, film « mille feuilles », La révolution... reste, comme le dit malicieusement Patrick Leboutte, une formidable machine de guerre contre le social-réalisme officiel. Judith s'offre le luxe de parler de ce qu'elle connaît, ici et maintenant, au risque de la complexité, de l'entêtement ; au risque aussi, de perdre en route ceux qui oublient un peu vite que l'on peut encore aller au cinéma pour réfléchir, voire « travailler », pour reprendre un mot qui plane souvent sur nos discussions. Travailler à la comprendre, comme une société peut comprendre un individu, pendant qu'Anne Buridan travaille, elle, à grandir, à ne plus dépendre, ne plus aimer ceux qui s'éloignent trop vite. Quoi de mieux pour tout débrancher et laisser son corps « en proie à l'imminence », que de se connecter sur une machine célibataire ? Joli prétexte de comédie informatique pour un film foisonnant, déstructuré et ample, qui laisse le spectateur épuisé mais séduit. Les situs nous avaient prévenus : on n'a jamais rien fait de bon en ménageant un public ; le cinéma de Judith, un peu comme la danse qu'elle aime tant, ferait « métaphore de ce que (sa) pensée fonde et organise »* ; entre prise de tête et éclat de rire, Anne Buridan décrète la révolution permanente partout là ou « ça » se complique : à nous d'être à la hauteur. 



* Badiou

Vincent Dieutre

 - 

Cinéaste


Publié le lundi 18 septembre 2017

Paroles de cinéastes
A PROPOS DU FILM

Recherche

Gestion des cookies

En poursuivant sur ce site vous acceptez l’utilisation de cookies, qui servent à vous proposer une meilleure expérience de navigation (vidéos, photos, cartes interactives).

Tout refuser