Les Corps ouverts est un film envoûtant. Rien ne nous sera imposé, ni la sacro-sainte histoire, ni aucun jugement ou analyse. Il faut tout ouvrir comme disent les danseurs, s'ouvrir au film comme son jeune personnage s'ouvre au monde. Un monde auquel Rémi cherche avec nonchalance à donner un sens tant bien que mal. Pour cela, au gré des rues, des hasards, des rencontres, il glane des bouts de certitudes, des sensations imprécises. C'est Paris, c'est aujourd'hui, c'est, très exactement la peinture d'un éclatement de soi. Et le film avance, entre l'affection d'un réalisateur aux projets vagues, le père qu'il faut aider à mourir doucement, et l'errance de ce jeune homme bientôt adulte, à la recherche de sa sexualité. Pas pressé de trouver, la flânerie est si belle. Il apprendra qu'il est beau, qu'il est fils d'immigré, et qu'il a le droit d'être aimé. Et nous, de cette balade instable, entre boites de nuit et cuisine vieillotte, entre masculin et féminin, nous n'aurons que les brides, les morceaux choisis. Alors on pense à Pasolini, à Warhol, mais Les Corps ouverts est d'abord un film extrêmement contemporain, touchant et tendu. Sébastien Lifshitz arrive à y dire la complexité du monde, des gens, et des situations, sans tricher ni grossir : car il plonge son cinéma comme son spectateur, dans la fragile sidération du fragment.
Publié le lundi 18 septembre 2017