Reprendre le fil d'un autre cinéaste (Kiarostami) est un pari osé. Et magnifiquement réussi par Mania Akbari. Car 10 + 4 n'est pas une suite, c'est une réinvention. Si la cinéaste emprunte le chemin de Ten, c'est pour mieux l'emmener ailleurs, en l'investissant de sa propre histoire et sensibilité et en métamorphosant avec audace le dispositif formel. La réalisatrice frappe fort avec une caméra dont la frontalité n'a d'égal que la sensualité, avec ces plans serrés sur les êtres où pourtant la société iranienne tout entière résonne, avec cet auto-portrait qui est un miroir à l'autre, à chacun de nous, avec ces paroles de femmes confrontées aux dogmes et aux interdits qui chacune pourrait être l'héroïne d'un Vivre sa vie d'aujourd'hui.
Documentaire ou Fiction ? 10 + 4 balaye cette question, cette distinction même. En effet, Mania Akbari choisit de ne pas choisir, de remplacer le « ou » par le « et » : c'est au dialogue du documentaire et de la fiction que l'on assiste ici, à la réinvention de l'un par l'autre. Un autre cinéma se crée sous nos yeux.
10 + 4 nous bouleverse et nous insuffle son énergie en parlant, contre son point de départ (le cancer et la condition féminine en Iran), de vie, de liberté et d'amour. Si les hommes en sont quasi absents physiquement, à peine aperçus derrière la vitre d'une voiture, ils hantent ce film réalisé par une femme, ce film qui nous crie dans un chuchotement que la liberté et l'amour restent à réinventer.