Par le cinéma Renate Costa restitue l'identité de son oncle défunt resté « mystérieux » pour qui n'a pas voulu le regarder. C'est à partager cette quête cinématographique que nous sommes conviés. Très proche de nos histoires, Cuchillo de Palo nous montre sans tergiverser l'arme redoutable que peut être la norme hétérocentrée lorsque celle-ci sert de pilier à la dictature.
Le bien normé » lui-même opprimé se rend volontiers complice de la barbarie, physique ou psychologique, portée par le pouvoir. Le déni, la justification religieuse, la lâcheté sans doute, la théorie de la reproduction de l'espèce sont autant de voies qui mènent à cette complicité. La puissance qu'offre la norme partagée génère chez l'être humain une grande capacité à s'aveugler. « Le mal normé » - l'oncle - se voit ainsi doublement exclu, par la dictature et par ses concitoyens aveuglés, condamné à répondre à la seule représentation qui lui est parfois accordée, celle de la Folle, du « Pajarito ».
Cuchillo de Palo montre également comment la communication entre un père et une fille est entravée par cette même norme. Le dispositif cinématographique qui intuitivement voyage entre le filmant et le filmé accorde une place réelle au spectateur qui aura tout loisir de goûter à la magie réflexive du cinéma. Tout en optant pour une certaine frontalité Renate Costa réussit sans tour de force à accueillir la parole et les silences en douceur.
Simple, émouvant ce film courageux nous renvoie à nos propres aveuglements.