Un homme parle à la caméra. Son visage en très gros plan a quelque chose d'obscène. Il nous parle de lui, de son pays, Israël, de la chaleur d'Août et d'un désir de film. Il a l'air de nous proposer un jeu. Et puis, sans transition, il filme « caméra cachée » une longue scène de rue, violente et énigmatique.
_ Dès ces premières images, Août s'impose comme une œuvre forte et dérangeante.
_ Avi Mograbi fait partie de ces cinéastes dont la voix résonne et nous travaille. Comme Moretti ou Godard il nous parle à la fois du cinéma et du réel. Or là où il vit, Avi, le réel, comme il le dit lui-même, est devenu mauvais, le réel court à sa perte, il est devenu fou, absurde. Avi Mograbi est israélien et pour un Israélien, plus que pour quiconque, le réel est devenu infilmable. Son film, c'est un défi.
_ Est-ce que ça a encore un sens de filmer ce réel-là ? Et comment le faire ? C'est comme ça que l'intrigue se noue, dramatique. C'est autour de cette question abstraite, philosophique, que le film se construit comme un véritable suspense.
_ Comment va-t-il s'y prendre ? En étant à la fois filmeur et filmé, personne et personnage, en étant provocant et en se laissant provoquer, en risquant son corps, sa force, sa vie, dans le tragique malentendu de la violence et du mensonge. En s'engageant, corps et âme. En devenant acteur de son film, « sujet » de son histoire et de l'Histoire. Or cette « Histoire » est si lourde, si intimement douloureuse, qu'il ne peut la prendre, Avi, qu'entre les « pincettes » de l'humour. Cet humour à la fois féroce et généreux finit par trouer l'armure du désespoir. Nous sommes rattrapés par l'émotion.
Août est tout à la fois une blague juive, une fable « hassidique », un vrai film politique, une leçon de modernité. Un grand film tout court.