Et la vie

Un film de Denis Gheerbrant

Et la vie

Un film de Denis Gheerbrant

France - 1991 - 90 min

Durant une année, de Marseille à Charleroi, de Bruay à Genève, à travers des banlieues du bout du monde et des usines en friche, le cinéaste a remonté les lignes de ruptures de la civilisation engendrées par des industries condamnées. De ces paysages incertains des personnages viennent à nous : 

- Au premier plan, un jeune homme aux cheveux longs parle de son futur, au loin un terril abandonné ressemble au Fuji-Yama. 

- Une sage-femme, les yeux baissés, se souvient de son passé. Elle regarde la caméra quand elle parle de son présent. 

- Dans son usine détruite, un homme raconte sa naissance. 

- Une jeune africaine chante à son petit frère « je ferais un rêve lorsque je reviendrai ». Entre des parents en panne de transmission et des orphelins de sens, résonnent des paroles qui sont des vies.

Avec :
Kanokporn Tongaram , Min Oo , Jenjira Jansuda , Sa-Gnad Chaiyapan et Kanitpat Premkij

Sorti le 06 novembre 2002

Sortie non communiquée

À propos de Et la vie

Et la vie, tourné il y a douze ans, fait partie de ces films qui ne vous quittent pas, « qui vous regardent vieillir », comme disait Daney. On n'oublie pas son premier plan : la caméra postée, allez savoir pourquoi, à un carrefour de maisons basses du Nord-Pas de Calais , filme une femme qui marche sur une route, des voitures qui passent sur une autre route, puis un homme sur le pas de sa porte, qui regarde le caméraman « camérer » aurait dit Fernand Deligny, et l'invite à entrer chez lui, pour lui montrer avec fierté son décor de « célibataire endurci ». D'emblée la vie est là, à portée de regard. Car l‘habitat ainsi cadré, fait alors bien plus qu' « expliquer » l'habitant, selon la formule célèbre de Balzac, il devient sous nos yeux un fragment de l'univers : un ensemble de particules en suspension composant l'image d'une vie singulière (passé-présent-avenir : qu'est-il devenu ce « célibataire endurci » de 23 ans ?), comme elles façonnent en général les paysages et les visages, les regards, les destins. C'est donc ça la vie, se dit on (et c'est pourquoi ces images restent imprimées en nous). C'est aussi ça le cinéma : le mouvement d'un être vivant dans un espace donné, du temps qui bouge dans un corps, un corps qui bouge dans un décor, qui pleure et qui rit avec lui.


_ Tout le film respire au rythme de cette scansion des espaces et des corps, des personnages et de leur environnement. Pour cette raison on n'oublie pas non plus, cette autre séquence où un homme réfléchit, près de l'arbre de son enfance, au destin de son père, à son propre destin, liés corps et bien, au devenir de l'usine sidérurgique, près de laquelle il a grandi et dans laquelle il a passé sa vie : dans la bulle d'un engin, où il écrivait sur un cahier ce qu'il ne pouvait pas dire à ses camarades au loin. Exemple extrême, magnifique, tragique d'un homme immergé dans son environnement, perdu de l'avoir perdu. Comme un poisson échoué sur le sable : l'usine a fermé, le site est désaffecté.


_ Forêts, arbre, ciel, lac, fleuve, terrain vague, carrefour, manège, fête foraine, friche, tour, cité, usine… La caméra parcourt les territoires français du début des années 90 (dans 10 ans l'an 2000 dit le texte en exergue) : ceux façonnés par les humains, mêlés à leurs vies au point qu'ils ont fini par être habités par eux, et comme hantés par leur mémoire. Celle-ci réapparaît dans les récits des personnages que rencontre Denis Gheerbrant, ressuscitant leurs paysages comme les marins racontaient autrefois les horizons lointains, à ceux restés au port. Magnifiés, réifiés... Et la vie provoque cette opération aussi connue en photographie que le film auquel elle a donné son titre : un Blow up du temps tendu vers nous comme un miroir.

Serge Le Peron


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