Un grand film se mesure à la façon dont il traite l'espace, le temps et les corps. Dans Fotogenico, Marcia Romano et Benoît Sabatier traitent ces trois notions autant en filiation, avec un cinéma de l'errance, que de manière inédite, dans la façon de représenter un homme dans la ville.
Tout d'abord, le corps, celui de Raoul. Il y a une poésie Christophe Paou, un charisme unique à déceler entre les plis de ses yeux, la mélancolie de sa posture, la nostalgie de sa voix. Le faire jouer à l'écran, c'est adopter cette mimique unique et burlesque qui le caractérise et qui nous emporte avec lui. Mais il n'est pas seul, le film fait la part belle à de jeunes actrices et acteurs comme Roxane Mesquida, Angèle Metzger et John Arnold que l'on espère vite revoir en salle tellement ils apportent une vitalité bienvenue. Si Raoul cherche une rédemption dans la jeunesse, ces jeunes acteurs démontrent à quel point ils peuvent sauver jusqu'au cinéma lui-même.
Puis il y a le temps, celui du deuil, de l'éternité sur un bout de disque. Suite au décès de sa fille, Raoul va rechercher auprès de ses amis les fragments de sa vie passée, de ses passions, de ses amours, de sa musique intime. En convoquant la voix de la fille de Raoul, le duo de réalisateurs invoque le fantôme d'une génération perdue qui ne se retrouve ni dans les riffs colériques du passé, ni dans les ritournelles faussement rassurantes du futur. Le temps présent s'en retrouve retourné dans tous les sens pour illustrer ce No Future qui semble n'avoir jamais quitté ses personnages.
Enfin il y a l'espace, la ville, Marseille où l'on déambule entre les squats, les terrains vagues, les boîtes de nuit et la plage. Cette Marseille, canalisatrice de toutes les énergies, lieu de toutes les cultures, à la fois port où l'on vient s'échouer et d'où l'on rêve de s'échapper.
Fotogenico, c'est Macadam à deux voies en Provence, Alice dans les villes sous acide, L'Avventura avec une bande son punk. On en redemande forcément !