Voilà un film qui a hésité entre fiction et documentaire. Et c'est paradoxalement, cette hésitation entre l'une et l'autre qui en fait le prix. Ici la fiction n'a guère d'importance qu'un livret d'opéra.
_ C'est un simple prétexte. Quand Puccini compose la partition de Turandot on oublie les détails narratifs de cette curiosité momifiée pour goûter à la somptuosité sonore de la ligne de chant. Idem pour Freestyle qui enchante par les sons, les rythmes, les couleurs, la vitalité d'un groupe de rappeurs marseillais qui dit la révolte au quotidien dans un monde au bord du naufrage. Ces garçons et ces filles de toutes les couleurs, de tous les horizons, de toutes les exclusions et les malheurs crient en chantant leur amour de la vie, leur désir de justice et leur espoir en un monde meilleur pour tous. On comprend et l'on touche ici du doigt le cœur vibrant du rap dans son élaboration concrète faite de tâtonnements, de doutes, de remords. De patience et d'obstination aussi comme dans toute tentative de création. C'est passionnant d'un bout à l'autre... Enfin nous avons droit en bonus à deux moments très forts, deux très belles séquences : celle où l'un des rappeurs chante à capella dans la cuisine où s'active sa mère et un danse hip-hop sous un pont, véritable explosion lyrique autant qu'athlétique à faire pâlir de jalousie le dogmatique faiseur de Dancer in the dark. Caroline Chomienne n'a pas besoin de cent caméras : une seule est largement suffisante, il convient seulement de la placer au bon endroit.