Avec un charme fou et une sensibilité aiguë, La Tête la première saisit ce moment de passage où sont mis à l'épreuve les archaïsmes de l'enfance, l'imaginaire amoureux et les prémices de l'indépendance. La rencontre inopinée de Zoé et Adrien sur une entrée d'autoroute inaugure le road movie sentimental qui, durant trois jours d'errance, mettra à l'épreuve les intermittences de leurs désirs en cet âge de bascule, plus vraiment adolescent, pas vraiment adulte, où les aspirations romanesques et le désir de liberté imposent leur primat.
Abrupts et gracieux, les comédiens donnent par l'opposition de ces qualités une profondeur qui les éloigne de la caricature. Le regard d'Adrien happé par le visage de porcelaine aux yeux battus de Zoé et la fluidité dansante de leur pas de deux irradient l'écran de l'énergie vif argent de leur liberté et déjouent tout stéréotype social.
Cinéma des corps et des regards, c'est aussi un cinéma du dialogue que propose Amélie van Elmbt, un cinéma qui parle le même langage que ceux qu'il dépeint, spontané et réfléchi. Ici les mots sont actions, les sentiments se construisent en même temps qu'ils s'expriment. Leurs déambulations mentales et physiques sont portées par un réalisme tranquille où les maisons isolées, comme dans les contes, offrent leur refuge aux enfants fugueurs.
Cette écriture sensible honore l'intelligence des protagonistes autant que celle du spectateur et rend hommage à la littérature, dont la présence perlée court tout au long du film. Si un livre, comme l'exprime Zoé, peut permettre de « se sentir vivant », le cinéma également quand il est dans cette forme de tension délicate.
La Tête la première : un coup de foudre à l'évidence.