Dans ce film, le cinéaste Hany Abou Assad nous « invite » à un mariage. Mais comme on est dans la Palestine d'aujourd'hui, tout est compliqué. La moindre banalité du quotidien n'échappe pas à la réalité politique de ce pays occupé. Aussi faut-il vaincre d'abord ses peurs. Celle d'un père rigide et intransigeant, celle de la rue avec ces hommes en armes qui vous arrêtent, vous fouillent. La mort qui rôde, et partout les destructions de maisons, les routes défoncées et les barrages où l'on est contrôlé et humilié. Dans cette atmosphère, la préparation du mariage de Rana, notre belle héroïne, va être un parcours du combattant souvent harassant et parfois loufoque. Harassant car si la ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre, cette loi ne s'applique pas en Palestine. En effet Rana est obligée de contourner les barrages militaires israéliens pour être sûr d'arriver à bon port et se marier à temps. Son long voyage est une occasion pour nous spectateurs, d'admirer des paysages qui remontent à la nuit des temps, de saisir le degré d'humiliation d'un peuple opprimé, d'effleurer la sociologie de la société palestinienne où cohabitent modernité et féodalisme… Cette modernité est symbolisée par Rana qui refuse un mariage arrangé remettant ainsi en cause le pouvoir du père qui la force à le suivre à l'étranger. Justement, et ça tombe bien, le refus de Rana coïncide avec la farouche détermination de tous les Palestiniens de ne plus quitter le pays pour éviter que leurs terres et leurs maisons ne soient occupées. Le douloureux précédent de l'année 1948 est une plaie dans la mémoire palestinienne… Alors pour ne plus revivre une deuxième Nakba (catastrophe), le cinéaste nous suggère que les Palestiniens sont prêts à tout. Prêts à affronter l'inconfort et le tragi-comique. Ce tragi-comique est illustré par une scène jouée par le futur mari devant une caméra de surveillance où ce dernier mime un « combat de boxe ». Il encaisse les coups et se redresse chaque fois avec le sourire, provoquant enfin le rire de Rana. Nos futurs mariés traversent alors des rues grouillantes de vie où sera finalement célébré leur mariage dans une voiture bloquée par un barrage. Ce mariage avec et pour la Palestine vaut bien une messe en plein air, en pleine occupation, dans ce pays si chargé d'histoire et dont les habitants, comme le dit Mahmoud Darwich, aspirent à une vie normale.