Les Sucriers de Colleville

Un film de Ariane Doublet

Les Sucriers de Colleville

Un film de Ariane Doublet

France - 2002 - 90 min

Fermera ? Fermera pas ? A la petite sucrerie de Colleville, on attend la décision avec un mélange de colère et de résignation. L'usine comme un monstre. Le bruit des machines, les tableaux de bord qui clignotent, la fumée des cuiseurs, la routine de la pointeuse et des quarts de nuit. Et les hommes au travail, les confidences au vestiaire avec les copains, l'apéro volé sur l'horaire,... ces mille façons d'apprivoiser l'usine pour qu'elle ne vous dévore pas la vie. Ici, chacun sait que les jours de la sucrerie sont comptés. Cette année, l'année prochaine, au fond, quelle différence ? Quelques-uns souhaitent même que l'usine ferme vite et qu'on en finisse. Tout plutôt que cette attente qui ronge les nerfs, renvoyant les ouvriers à leur rage et leur impuissance, et qui dessine aux yeux de tous, la fin du travail des ouvriers...

Avec :
Itvan Kébadian , Vincent Dieutre , Jorg Neitzert , Walter Müller et Hubert Geiger

Sorti le 07 avril 2004

Sortie non communiquée

À propos des Sucriers de Colleville

Le nouveau film d'Ariane Doublet marque une évolution, une rupture aurait-on dit du temps de la modernité, dans son œuvre documentaire. Après l'ironie douce des Terriens, la tendre cruauté des Bêtes, la voilà qui nous invite à pénétrer le quotidien d'une petite usine (normande toujours) et de ceux qui la hantent plus qu'ils n'y vivent. Car c'est bien d'agonie qu'il s'agit : celle d'un monde où le travail était encore un pan de la vie et pas seulement un droit. Un monde d'hommes, un monde clos, bruyant et monotone, un monde apparemment banal qui perdure sans vraiment reconnaître qu'il n'est plus. Ariane et sa caméra fixe, sans complaisance, accumuleront au jour le jour les preuves implacables de cette mort clinique. Les travailleurs, un peu perdus, ne réaliseront qu'après, trop tard. Patience, rigueur du dispositif, présence obstinée, Ariane Doublet se retire, s'absente de ce lieu pour laisser jusqu'au bout leur chance à la révolte, à l'espoir, ou même au simple surgissement d'un refus, d'une esquisse de devenir. Mais, si l'émotion nous saisir à la gorge lorsque le processus touche à son terme c'est que le film, à force d'attention, de précision et de générosité, sait faire de cette impuissance centrale, la nôtre. Ici la ronde des corps résignés n'accouchera d'aucun « personnage », d'aucune hiérarchie de sympathie, d'aucun désir. On ferme, c'est tout, c'est comme ça et les responsables (vaguement coupables) resteront tapis dans le hors-champ incertain de l'économie globale jusqu'à « monter » eux-mêmes la fin du film, interdisant de caméra, d'images, Les sucriers de Colleville exsangues et remisant la cinéaste, l'ultime témoin, derrière la grille de métal (circulez, y'a rien à voir). Reste alors l'itinéraire entêtant d'un film ample, rythmé d'un bruit sourd des machines, du temps mort de la pause ; un film d'une absolue nécessité, qui sait dresser dans l'urgence floue du délitement, le portrait de groupe d'un monde du travail sous profusion, déjà nostalgique de sa propre adolescence. Si « ce vieux rêve bouge encore », ce n'est qu'agacé de spasmes mécaniques. Ariane Doublet en prend acte sans mièvrerie aucune, pour mieux nous faire comprendre que rien ne sauvera nos « petites entreprises », car tout est à refaire.

Vincent Dieutre

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