Los Salvajes

Un film de Alejandro Fadel

Los Salvajes

Un film de Alejandro Fadel

Argentine - 2012 - 119 min

Quelque part en Argentine, cinq adolescents s’évadent d’un centre de détention pour mineurs. Déterminés à rejoindre la grande ville, ils commencent une longue marche à travers la pampa. Ils tuent et pillent les rares personnes qu’ils rencontrent sur leur route, chassent pour se nourrir, se droguent pour s’oublier. Ils s’enfoncent dans un paysage de plus en plus hostile et accidenté et finissent par se perdre. Le groupe se disloque, et chacun devient une menace pour l’autre. La sauvagerie, jusqu’alors apanage des bêtes chassées, les contamine petit à petit...

Avec :
Leonel Arancibia , Roberto Cowal , Sofía Brito , Martín Cotari et César Roldan

Sorti le 27 mars 2013

Sortie non communiquée

À propos de Los Salvajes

Los Salvajes fait penser à ces jeux vidéo en plateforme où plusieurs joueurs se retrouvent dans un univers inconnu, éliminent toutes les créatures qu'ils rencontrent pour progresser – hommes ou bêtes – tout en s'affrontant. Mais le cinéma est affaire d'incarnation, et c'est la force du dispositif de Los Salvajes que de réaliser cette aventure comme dans un laboratoire grandeur nature – comme en un jardin sauvage – avec des jeunes gens qui jouent des personnages inspirés de leurs vies réelles, et de filmer les péripéties de ce voyage au gré de la progression du tournage à partir d'une trame préexistante (on retrouve là aussi le modèle de l'écriture des jeux vidéo). 

Ainsi, la mise en scène scrute à la manière des entomologistes la complexité des liens qui se font et se défont entre les acteurs/personnages et avec leur environnement. Il s'agit de filmer non pas les êtres, mais les relations des êtres entre eux et avec le monde qui les entoure : un plan, un raccord est toujours affaire de relation dans le film. Avec l'intuition qu'aucun de ces liens ne durera ni ne va de soi, qu'il soit antérieur ou créé au gré des circonstances (il y a d'abord celui de constituer un groupe pour s'évader ensemble). 

Plus qu'un portrait de l'adolescence « sauvage », ce film est ainsi pour moi une médiation en cinéma sur l'état sauvage. Toutes les attaches, tous les rapports – amoureux, familiaux, amicaux, sacrés, sociaux ou « politiques » (hiérarchiques) – finissent par se rompre au cours du récit.

Dans ce jeu de massacre, ne reste qu'un être apeuré, mi-homme mi-bête, laissé à sa solitude – sa frayeur – originelle. Yves Bonnefoy voyait dans le regard hallucinée du Saturne de Goya qui dévore le corps de ces enfants « la vie en ce qui semble être son fond : être soit la proie, soit le prédateur ». C'est ce que semble avoir en point de mire Los Salvajes : le cinéma comme art de la prédation.

Christophe Cognet

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Cinéaste


Paroles de cinéastes

À propos de Los Salvajes

Et si tout cela n'était qu'un jeu ?


Le film s'ouvre par une prière, le choix de l'arme, les 3 coups et une sonnerie : le jeu commence. Les jeunes s'évadent et débarquent dans un monde virtuel.

Il n'est pas vraiment hostile, ce n'est pas Doom et ses tueries acharnées, mais plutôt l'univers monochrome, immersif du jeu d'aventure tel Myst1 avec quelques clins d'œil vers les MMORPG2 pour la dimension fantastique et les créatures parfois imaginaires, comme ici les sangliers. Les personnages n'ont pas vraiment d'identité, pas connaissance de leur environnement, lequel est inhabité, et ne se parlent quasiment pas : autant d'éléments des « myst-like ». Lors des déplacements, le réalisateur choisit toujours de filmer le héros en plan serré (le spectateur ne voit pas ce qu'il voit ) et exclut les autres joueurs. Mais, au premier danger, il bascule en plan subjectif et le game-play reprend : plan sur l'arme, arme en amorce et panoramique pour balayer l'environnement. Puis, « point & click » : il vise et tire. À chaque disparition : un plan d'ensemble, une musique : le jeu change de niveau, de personnage principal…

Les protagonistes du film sont encore à l'âge du jeu : l'imaginaire, le déroulement, le filmage, les personnages peuvent renvoyer à certains univers et certains procédés du jeu vidéo.

Programmateurs de cinéma, connaisseurs ou novices en ce domaine, voici donc pour nous une belle opportunité de nourrir un échange avec les adeptes, les passionnés de ces jeux : ces générations qui verront Los Salvajes avec un regard différent et pourront en faire une lecture originale.



1 Myst, jeu d'aventure à la première personne, en vue subjective

2 Jeu de rôles en ligne, multijoueurs interagissant simultanément, tel World of Warcraft

Christophe Liabeuf

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Programmateur


Paroles de programmateurs

Un western dans la pampa argentine. Une réussite.

Ces "sauvages" ont été découverts, l'année dernière, à la Semaine de la Critique, où le film a été primé. Les voici enfin visibles en salle. Dans la pampa argentine, nous suivons une bande d'ados évadés d'un centre de détention. Avec la grande ville en ligne de mire, les outlaws doivent d'abord faire corps avec la nature. L'intérêt et la beauté du film est d'opérer un engloutissement progressif des forces en présence par le biais même du cadre. Ainsi les "sauvages" prennent vite l'allure de fantômes s'évaporant un à un. Il y a quelque chose de tragique qui se joue ici. Ce sens métaphysique évoque les premiers westerns de Monte Hellman. Une réussite.
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