No London Today est un film qui n'hésite pas à prendre à bras le corps toute la complexité du monde et de sa représentation, à en faire sa matière même. Après beaucoup d'autres, Delphine Deloget a décidé de raconter les histoires de ceux qui viennent à Calais pour se rendre, à tout prix, en Angleterre. Mais comme aucun(e) autre avant elle, elle choisit de montrer toute la complexité de sa relation à ces hommes : comme femme, comme occidentale, comme « privilégiée », comme cinéaste. Cette relation est au cœur de son travail, elle l'a filmée et n'essaie jamais de la dissimuler au montage. Bien au contraire, elle l'expose et l'évolution de cette relation participe du récit tout autant le récit de ces hommes qui lui livrent des bribes de leur parcours. Elle répond à tous, n'esquive aucune question, elle rit et son rire nous accompagne tout au long du film. Ce rire désigne, sans qu'aucun discours ne soit nécessaire, toute la différence qu'il y a forcément entre des nantis et ceux à qui on refuse tout, et en même temps il permet de la dépasser. C'est ce rire qui permet de rester ensemble malgré l'énorme fossé qui la sépare elle et nous, de ces hommes. A partir de ce rire, elle parvient à tisser des liens très forts, complexes et ambigus, qui nous permettent de partager avec ces hommes la peur, l'attente, les déceptions, les moments de bonheur, d'amitié, de solidarité. Le film se situe bien au-delà de la compassion, le spectateur est avec eux comme rarement, et en même temps nous n'oublions jamais à quel point notre monde vu de notre place est évidemment différent du leur.