L'enfant a les yeux plantés dans les nôtres. Au-dessus de sa tête planent de menaçants vautours. À ses pieds, son père mort. Derrière lui, un village qui le regarde en silence. Ici, on mesure le temps en fonction du ciel, un « ciel six ans plus jeune quand la guerre a commencé ». Dès sa première séquence, la puissance de Nome bouscule. C'est avec un mélange de grande beauté et d'inquiétude que Sana Na N'Hada reconstitue, quarante ans plus tard, l'épopée d'une guerre d'indépendance qu'il a lui-même traversée. Depuis la fiction on retrouve des images d'archives filmées par le jeune réalisateur. Les temporalités se mêlent : entre les rêves de l'enfance, l'aventure glorieuse du guérillero, puis les ambiguïtés de ses héros. Que reste-t-il de la Révolution ?
Le film émerveille par sa croyance dans les pouvoirs du cinéma à ouvrir de nouveaux mondes. « La Guinée est-elle prête pour tant de bonheur ? » Cette question que pose l'esprit, seule entité capable d'apparaître dans toutes les époques de cette fresque historique restera en suspens. Nome est un film palimpseste dont chaque strate renvoie à un moment de la vie de ses héros, de la Guinée-Bissau et du merveilleux Sana Na N'Hada.
Anton Balekdjian, Naruna Kaplan de Macedo et Marion Naccache, cinéastes de l'ACID
The child looks right into our eyes. Menacing vultures hover over his head. His father is lying dead at his feet. Behind him, the whole village is staring at him in silence. In this place, it is the sky that measures time, a « sky that was six years younger when the war started ». Right from its first sequence, Nome unsettles its viewers. Forty years after Guinea-Bissau's War of Independence, Sana Na N'Hada reenacts this war he took part in with a mixture of epic beauty and unease. Na N'Hada's fiction is interspersed with archival footage that he filmed when he was younger. Different temporalities coexist. Between the fantasies of childhood, the glorious adventures of the guerrilla fighter and, finally, the ambiguities of its heroes, what is left of the Revolution ?
Thanks to its belief in the powers of cinema to create new worlds, the movie amazes us. « Is Guinea-Bissau ready for so much happiness ? ». This question, asked by the Spirit, the only entity capable of appearing in all the epochs of this historical saga, remains unanswered. Nome is a palimpsest-movie and each layer takes us back to a moment in the lives of its protagonists, Guinea-Bissau and the marvelous Sana Na N'Hada.
Anton Balekdjian, Naruna Kaplan de Macedo & Marion Naccache, ACID filmmakers