D'où vient le charme (et la justesse) de ce film espagnol ? De son côté britannique, peut-être... De cette façon dont les films anglais savent faire d'un problème social une histoire singulière et humaine ? En la puta calle, taille dans un scénario sociologue (la descente aux enfers du chômage puis de la rue d'un prolo provincial) un récit et un personnage d'une profonde singularité. On pourrait craindre un parcours obligé, affecté, un voyage ferroviaire dans le socius contemporain. On est en fait perpétuellement surpris par ce que le scénario dévoile derrière les portes qu'il ouvre : situations et événements inattendus, souvent drôles et toujours intenses. On pourrait nous jouer le coup de l'angélisme progressif du malheureux exclu... Le personnage garde au contraire toute sa personnalité terrien obstiné, borné parfois, et c'est très salutaire. Car bientôt, avec son nouveau compagnon d'infortune, noir et clandestin, c'est la question piège du racisme qui se trouve au centre du récit. Le réalisateur fait alors preuve d'un grand talent pour traiter à la bonne distance, avec humour mais avec sérieux, de ce funeste fléau contemporain. Il faut préciser que les deux acteurs sont formidables, en solo bien sûr mais surtout en tandem : ils produisent ensemble de grands moments de comédie qui sont la meilleure défense contre la tragédie qui les entoure.