Cet étonnant film iranien possède une des séquences d'ouverture les plus géniales que l'on ait vu au cinéma depuis un bout de temps. Une séquence totalement fascinante parce qu'a priori, à moins d'être supérieurement intelligent, vous n'y comprendrez goutte…
On est tout d'abord totalement plongé dans le noir avec pour seul repère sonore le bruit étouffé (comme celui que l'on entend à travers une paroi) d'une violente dispute entre un homme et une femme. Puis on découvre au loin une voiture sillonnant une piste de montagne, la discussion entre les occupants apparaissant seulement sous forme de sous-titres comme si on avait coupé le son.
Puis on rentre dans l'habitacle pour découvrir en fait…un couple de sourds muets en train de se disputer en langage des signes. À partir de l'absurdité de cette situation pourtant dramatique, le talentueux réalisateur Morteza Farshbaf joue avec brio des paradoxes, parfois de manière ludique, voire totalement drolatique. Il y a déjà la complexité de cette discussion en langage des signes lors d'un voyage en voiture, chacun étant côte à côte et le conducteur devant a priori rester concentré sur la route.
Le réalisateur joue également des ruptures, comme lorsque la voiture traverse les tunnels non éclairés de cette région montagneuse, interrompant ainsi la conversation très visuelle du couple. Il joue aussi sur le degré de compréhension de l'enfant que l'on croit atone et apathique mais qui cache bien son jeu, comme lorsqu'il traduit volontairement de travers aux garagistes alors que la voiture est tombé en panne au milieu du voyage. Le jeune acteur joue admirablement de toutes ces ambiguïtés, malgré le peu de dialogues qu'on lui prête.
Le film emploie la figure du road movie entre le Nord vallonné de l'Iran et Téhéran, dévoilant la splendeur du paysage au milieu duquel les hommes qui y circulent sont filmés de très loin – ce qui n'est pas sans rappeler la beauté plastique des premiers films de Kiarostami. Il utilise aussi la figure du voyage, qui donne le temps aux relations de se remettre en question pour mieux se reconstruire (évoquant quelque part cette force que l'on découvrait dans le film chilien Les Acacias).
Quant aux thématiques que le film soulève bien loin des problématiques éminemment politiques auxquels on renvoie souvent l'Iran, Querelles à l'instar d'Une Séparation questionne le couple moderne et le rapport à la famille dans une vision humaniste bien loin des clichés obscurantistes que l'on accole souvent à la condition de la femme iranienne. Plutôt que par des comédiens professionnels, le tandem est incarné par un couple de sourds muets qui donne toute son authenticité à ce joli film, prouvant une fois de plus toute la vivacité du cinéma iranien qui n'en finit pas de se renouveler depuis les débuts de la Révolution.