Qui Vive surprend, interpelle, déconcerte… Il nous emmène sur des chemins inattendus, vers l'inconnu qui renouvelle le regard, époussette les clichés. En s'attachant aux pas de Chérif, la trentaine, vigile dans le centre commercial proche de sa cité, Marianne Tardieu prend le risque du film de banlieue avec ses codes, l'inévitable conflit de loyauté et d'appartenance, le désir d'échapper à ce territoire balisé.
Mais dès qu'on entend Chérif expliquer qu'il s'obstine à passer le concours d'infirmier, on sait qu'on est ailleurs, dans un espace trouble. Un espace inédit qui permet le décalage, le décentrement. Un espace dans lequel les personnages prennent corps avec leurs singularités, leurs désirs, leurs aspirations. C'est ainsi que Chérif, incarné par un Reda Kateb en état de grâce, opaque et dense, toujours présent, attachant de délicatesse et de retenue, n'est jamais là où on l'attend. Reda Kateb capte notre empathie aussi bien dans l'action et la bagarre que dans l'émotion gaie de la rencontre avec la lumineuse Jenny, Adèle Exarchopoulos, pétillante.
Rien de convenu donc dans le travail avec les acteurs, rien d'attendu dans la mise en scène sobre, épurée, élégante. La cinéaste fabrique avec précision un espace dans lequel chacun occupe une place originale, singulière et peut déployer avec énergie l'urgence de vivre et de se créer un avenir.