Un Rêve algérien raconte le voyage d'un homme qui retourne dans son pays pour la première fois depuis 1965. Il prend le bateau à Marseille, est accueilli à Alger par de nombreux amis qui l'embrassent, puis entame son périple durant lequel il nous guide. « C'était là… et ça c'était ça… » etc... Au début j'appréhende, ayant vu si souvent cette forme de film dégénérer en un exercice difficile, obligé et laborieux. Mais bientôt ce qui se passe devant la caméra déborde, l'emporte et m'emporte, dans l'histoire d'Henri Alleg d'abord, puis dans celle de l'Algérie comme jamais je n'avais pu l'apercevoir. Souvent étranglé d'émotion, l'ancien militant communiste et anticolonialiste retourne sur les lieux de ses engagements qui l'ont conduit jusque dans les chambres de torture. Il retrouve intacts ses sentiments de l'époque, comme sa colère devant ce qu'était l'Algérie française, faite des souffrances du peuple colonisé, de racisme, de famine et d'exploitation. Henri Alleg retourne voir ses compagnons de lutte, des indépendantistes, parmi eux des « Européens » comme on disait à l'époque, qui n'avaient pas de problème pour nourrir leurs enfants et qui pourtant ont risqué leur vie pour une autre Algérie. « Par répugnance pour le colonialisme. Par honte ! » s'écrie une femme, magnifique. Car il faut dire qu'à l'occasion de ce film-voyage, on croise de sacrés personnages, de grande beauté. Tous se sont battus ensemble par-delà leur différence de religion et d'origine. Leurs récits nous font revivre de l'intérieur la censure, les massacres punitifs, la torture, la guillotine... pratiqués par la France, mon pays, il y a si peu de temps. Le film se boucle à Oran, dans la ville natale du cinéaste. Là on découvre les racines de son film : son père était militant anticolonialiste, et lui le fils, porte cette même certitude cuisante « qu'une autre Algérie, indépendante, fraternelle et solidaire aurait été possible. » Malgré un tournage sous escorte et des milliers d'assassinats récents dans l'atmosphère, l'Algérie de Lledo est belle, très belle et tellement réelle. A chaque plan je me trouvais en train de dévorer des yeux ce pays que je ne vois jamais, jamais comme ça. Alors la voici l'Algérie que Jean-Pierre Lledoa du quitter sous la menace du FIS. En la filmant avec les yeux de quelqu'un qui aime, il a réussi à transformer cette blessure intime, sa nostalgie pour ce pays, en une nostalgie plus grande, celle d'un monde meilleur.