La perte.
Une usine moderne, robot, des ouvriers, un chef d'équipe Jérémie plutôt sympa, un vieux sage marocain qui part à la retraite. Le chef d'équipe vit avec une belle et jolie femme ouvrière elle aussi, Michèle, la trentaine comme lui, ils ont un enfant. Le film commence en plan large, une situation banale traitée de manière naturaliste. Évidemment, Jérémie avait d'autres ambitions, la vie à l'usine n'est pas toujours facile, mais là n'est pas l'enjeu du film. Puis très vite quelque chose se dérègle, Michèle veut passer en équipe de nuit, il ne s'agit pas de condition de travail, de fric, il s'agit de la perte de l'amour. L'étau se resserre, la figure de Farouk, celui qui a pris sa retraite, va devenir pour Michèle un ailleurs aimable, bien qu'abstrait. Le film progresse comme l'eau qui s'écoule dans un typhon, en se resserrant sur les trois protagonistes, en mettant en scène leurs pertes de contrôle de la situation. Tout est suggéré jamais démonstratif, Jérémie n'est plus lui, peut-on devenir front national par dépit amoureux ? La perte de l'amour est sans doute une des choses les plus dures à filmer, car elle est souvent obscure, il semble n'y avoir aucune raison à la fuite de Michèle. La réalisation trouve la bonne distance pour ne jamais rentrer dans la psychologie dégoulinante, à la sociologie démagogique sur la dureté de la vie ouvrière. Rien de tout cela dans "zéro défaut" mais l'histoire terrible de deux êtres qui se perdent, filmée avec la justesse de celui qui respecte ses personnages. Le film doit beaucoup aux acteurs, Eric Elmosnino nous offre des moments jubilatoires de cinéma, Nade Dieu et Abdallah Moundy rendent juste et subtile cette relation improbable d'une jeune femme avec un immigré de trente ans son aîné. Il y a comme cela des films dont on ne connaît rien, et qui pourtant il vous semble les avoir attendus. Pour moi "Zéro défaut" m'a donné cette joie rare de la surprise et de la certitude que c'est avec impatience que j'attends le prochain film de Pierre Schoeller.