Dehors l'hiver kazakh souffle, alors qu'au dedans la datcha paraît si chaleureuse et paisible. La jeune femme qui en hérite hésite à la brader, comme à liquider le monde ancien. Un monde d'avant qui résiste et va s'inviter pour un baroud d'honneur inconséquent et tragique.
Chirurgicale et implacable, la mise en scène d'Olga Korotko scrute les gestes et les regards et jusqu'au moindre des silences. Et à travers eux, le lent et irréversible travail de corruption insidieuse de l'amitié, de la morale et de la justice, mis à terre par les nouveaux rapports de classe d'une société déliquescente.
Les personnages de Bad Bad Winter sont aussi les petits enfants de Raskolnikov et du désastre obscur de l'utopie soviétique ; c'est ainsi que pour eux, si « le communisme est mort, tout est permis ». À la fois victimes et bourreaux, ils sont les prisonniers d'un huis clos qui serait aussi à l'image de l'enfermement quasi pathologique d'une société en pleine crise éthique.
Mais, si chez Dostoïevski le crime cherche son châtiment, dans la version d'Olga Korotko, le châtiment ne trouvera sans doute que l'innocent : qu'est ce alors qu'un crime dans un pays où la loi de classe a remplacé toute idée de justice ?
Digne disciple de Darezhan Omirbaev, Olga Korotko nous livre à son tour un conte moral abrasif et audacieux, illuminé par le bloc de tension d'une héroïne mutique dont chaque pore du visage exprime en continu la violence d'un conflit intime aussi déchirant que glaçant.
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Publié le jeudi 19 avril 2018