Séverine
Rocaboy
Programmatrice
Au cinéma comme ailleurs, le discours est avant tout propriété masculine ; et dès lors que le féminin se l'approprie, il convient qu'il soit sérieux, militant, totalement dénué d'humour, bref, qu'il serve à quelque chose. Or, la parole des Pam, Lola, Manon et consort, ne sert à rien sinon à servir la sainte trinité tchatche-clopes-picole. Comble de La consternation, ces jeunes et somptueuses greluches n'évoluent pas dans un cadre socioculturel sinistré (cadre qui justifierait alors leur verbiage comme l'expression de ce fameux « mal-être-de-notre-jeunesse » qui plonge la France entière dans une sourde terreur) mais s'ébrouent joyeusement rive gauche de la capitale. Capté par l'étonnante mise en scène de Sophie Letourneur (en mode « incursion dans mêlée de rugby »), ces débriefings pré et post beuveries ne sont rien moins que l'expression d'une intelligence et d'un bagout pas croyables. Versant français et féminin de Supergrave (LE plus grand film américain sur la jouissance de la parole), La Vie au Ranch aura fatalement sa cohorte de détracteurs… Mais surtout ses plus ardents défenseurs. Des bastons les opposant pourraient avoir lieu à la fin des séances… Des bastons à la sortie des salles art et essai… Depuis le temps qu'on en rêvait…
Séverine Rocaboy
-Programmatrice
Publié le vendredi 26 janvier 2018