À propos de Mods

Jean-Claude
Biette

Cinéaste

Dès les premiers plans qui suivent le générique, Mods affiche un parti-pris formel qu'il va tenir jusqu'à la fin. Dans le film de Serge Bozon, il n'est pas question de rendre compte plus ou moins directement d'une réalité complexe. Ici on tournerait plutôt le dos à tout ce qui inquiète bien des films, un peu comme on tournerait les talons en direction inverse. C'est dire si le travail d'abstraction mis en œuvre vient d'ailleurs. Les deux frères (On est militaires, c'est notre métier) qui viennent s'incruster dans la Maison des Etudiants pour veiller sur leur autre frère figé dans un mutisme maladif, sont d'entrée privés de psychologie. Ce sont à peine des caractères. On est, spectateur, tout de suite attiré dans un conte où la mathématique des diverses figures (géométrie et algèbre s'en donnent à cœur joie) régule l'angélisme de la fonction morale de chaque personnage. Héroïsme, vaillance, exercices, astuces, règles du jeu communautaire, tout est soumis à la loi des cadres qui décide des positions exactes, dans l'espace qu'ils délimitent, de la gymnastique et de la danse, de tout ce qui vient se loger en symétries malicieuses ( la danse des pyjamas). Il y a un temps pour tout : pour économiser et pour dépenser, pour enseigner l'économie politique et pour rêver de sa vie passée ; un temps pour soigner et un temps pour danser ; et c'est le film qui, par son entêtement formel, l'inscrit allègrement.

Le motif choral répété des « Quatre garçons dans le plan » est contredit par les figures féminines bien distinctes qui assument chacune à leur tour le rôle vivifiant d'un principe de dissymétrie. Dans ce conte, venu de Cocteau et de Bresson, se déclenche un duel imprévu et tacite entre Hawks et Kitano, entre l'ancienne unité classique, dont le deuil reste à faire, et l'inexpressivité méthodique qui protège du neuf et de l'inconnu. Ce duel permet in extremis le retour d'un élément temporel qui interrompt la loi des cadres, rompt le charme et sauve le film.

Jean-Claude Biette

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Cinéaste


Publié le mardi 12 septembre 2017

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Mods

Un film de Serge Bozon
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