Vincent
Thabourey
Écrans du sud
Mon amour est un défi, une injonction poétique qui interpelle le temps, l'espace et l'intime. En revisitant son expérience amoureuse lors d'un exil au cœur des terres glaciales de Sibérie, David Teboul bouscule le sentiment amoureux, de sa naissance à sa déliquescence, il le maltraite, le tance jusqu'à l'épuisement, opposant sa logorrhée désenchantée au silence mystérieux de vieux couples dont les yeux brillent d'un éclat si particulier.
Entre chaud et froid, une voix-off puissante, omniprésente, crée du lien, fait se rencontrer deux antipodes, deux mondes aux souffrances énoncées ou dissimulées. Le temps passe, s'égrène, l'hiver est rude, le récit épique d'une rivière hypnotique s'élève comme une incantation originelle. L'égarement, les aller-retours temporels ainsi que son étirement font partie intégrante du dispositif imaginé par le cinéaste. Tout comme ces vastes étendues lumineuses, presque aveuglantes qui tranchent avec des espaces plus confinés, cocons inconfortables, réceptacles de vies bousculées.
L'intimité exacerbée de l'auteur en forme de narration doloriste, s'inscrit sur des images d'une très grande beauté formelle. Leur éclat fait dévier le discours de sa noirceur initiale, il s'enrichit et s'éclaircit au contact d'une nature indomptée, comme figée dans une blancheur éternelle. A la rondeur des mots s'oppose ainsi la rectitude des cadres. Ce film, qui prend le risque de louvoyer avec nos agacements sans jamais y sombrer, renvoie à une forte tradition d'un cinéma à la première personne, aux filmographies élégantes et ombragées de Vincent Dieutre, Marguerite Duras ou Alain Cavalier.
Vincent Thabourey
-Écrans du sud
Publié le mardi 07 juin 2022