Juliette
Grimont
programmatrice
Quelle Folie est un film qui a de l'esprit. On l'entend d'abord dans la bouche de son protagoniste, Aurélien. Sa parole fuse, saisissante à faire pleurer de justesse, de lucidité et de précision – on sent l'exigence et la rigueur qui contiennent tout son être.
Aurélien parle parle parle et voudrait parler sans discontinuer pour avoir une chance de se faire comprendre. Mais Diego, le réalisateur, le coupe. Ce qu'il cherche c'est un dialogue, pas un monologue. Et c'est dans cet échange que le film ouvre sa voie, petit à petit.
Nous assistons à une série de dialogues, qui sont autant de séances de travail. Elles mettent cette amitié à l'épreuve, et mettent aussi le film à l'épreuve de la relation.
Aurélien nous donne accès aux méandres de son esprit torturé, et Diego, le maïeuticien, donne au monde cette pensée. Il lui donne forme. Ainsi, le chemin sinueux des réflexions d'Aurélien s'incarne dans cette promenade qui ouvre le film, qui a tout d'une errance, dans des sentiers tous identiques où Aurélien semble tourner en rond. Il est au milieu d'un terrain plat et sec qui a tout d'un désert quand il évoque la douleur qui l'envahit souvent. On n'évoquera pas ici l'arrivée à la feria de Pampelune, pour laisser quelques belles découvertes au spectateur... Les exemples sont nombreux où la mise en scène, ludique et attentive aux échos de la parole dans le monde, cherche à faire prendre une forme (contingente, éphémère, bordélique, abstraite) à une pensée qui coule comme l'eau, claire, continue, insaisissable.
Le pari est risqué, de nombreuses fois protagoniste et film se crashent. Mais se relèvent, inlassablement. Presque tragiquement, car ce bel essai documentaire n'a pas peur de se confronter aux grandes questions, de celles qui peuvent rendre fou...
Juliette Grimont
-programmatrice
Publié le mardi 01 octobre 2019