À propos de QUI À PART NOUS

Stéphane
Batut

Cinéaste

Au début du film, Jonas Trueba propose une chose très simple aux adolescents qu'il a réuni autour de lui, celle d'imaginer les scènes d'une fiction dont ils seraient à la fois les auteurs et les interprètes. Ce dispositif très limpide ne va cesser pourtant d'ouvrir, à une sorte de vertige, notre perception des épisodes embrassant la vie de ces jeunes gens sur près de 5 années. Pourtant nulle envie chez le cinéaste de nous perdre, ni même de nous faire douter de ce que l'on voit car à l'évidence, ce qui l'intéresse est de saisir le vrai. Si la fiction affleure souvent c'est pour révéler une intimité réelle, un secret qui ne saurait nous être livré autrement et de même, les instants documentaires conservés par le montage relèvent du romanesque le plus pur. Ainsi il devient absurde de chercher à discerner ce qui, dans cette longue parenthèse de vie filmée, serait le fruit du hasard ou celui d'une écriture, d'une mise en scène car chaque seconde en est totalement vécue. Si les registres du documentaire et de la fiction se confondent avec une telle grâce c'est que Trueba place le jeu au cœur de son dispositif, tout comme ses jeunes personnages le placent naturellement au cœur de leurs relations.

Jeu enfantin ou jeu social, parfois sans pitié, il détermine tant de choses pour eux : Aussi bien l'image qu'ils donnent d'eux même au sein du groupe que les premiers jalons d'une vie qui balbutie. Aussi, sans doute, la caméra leur permet-elle d'exister différemment, de se redistribuer les rôles et d'orienter le cours de ces quelques années où se faisant personnages en pointillé, chacun s'abandonne à l'aventure que lui offre l'élaboration du film.

 Cette attention au long cours de Trueba muni de sa caméra nous offre de voir éclore comme par miracle, les émois amoureux, vécus chacun de leur côté, de Pablo et Candela. Quelques années auparavant, ils avaient déjà participé ensemble à un premier tournage du réalisateur. C'était celui de La reconquista. Installés dans sa chambre, Candela récitait à Pablo, allongé sur le lit, les paroles d'une chanson de son père :

Si tu as quinze ans et que tu veux t'enfuir, c'est amplement suffisant pour le faire. Tu pourrais partir avant que les lumières de cette ville ne s'éteignent à jamais. Tu pourrais changer de nom pour un autre qui sonne mieux....»

Puis l'instant d'après Candela se jetait sur lui, en hurlant les paroles du refrain :

« Quien lo impide? Quien lo impide ? Qui t'en empêche. Personne ne t'en empêche ! »

Stéphane Batut

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Publié le lundi 04 avril 2022

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Un film de Jonás Trueba
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