À propos de Sac la mort

Juliette
Grimont

programmatrice

Le spectateur de Sac la mort pensera être l'objet d'une hallucination d'1h18. Surtout s'il est métropolitain. Emmanuel Parraud nous offre une immersion dans une île où tout semble à la fois étrange et familier. Pour celui qui ignore tout de l'histoire des cafres, de la langue créole et des rituels magiques, ce film sera une plongée in media res, un face à face qui le renvoie à sa mémoire oublieuse, aux angles morts de l'histoire de France. 

Mais ce n'est pas tout ce que ce film a à offrir. Il tire aussi parti de ce qu'Emmanuel Parraud considère comme une qualité cinématographique des habitants de l'île, une tendance à l'outrance. Cela donne un mélodrame à la Douglas Sirk mené par des personnages à la Laurel et Hardy : un mélange inédit, qui ne pouvait prendre corps que dans ce territoire. Le rapport des cafres avec l'alcool évoquera peut-être au spectateur marseillais des exemples littéraires : Le Docker Noir d'Ousmane Sembène ou Banjo de Claude McKay. Des romans où les personnages, marqués par l'histoire toujours en cours de la domination des Blancs sur les Noirs, récréent avec l'ivresse un semblant de temps circulaire et donc protecteur, une addiction quotidienne faîte de rituels qui rythment la vie de leurs communautés. 

Le sac la mort est lui-aussi un cercle vicieux : il fait circuler le malheur en s'assurant qu'il reste bien dans les frontières marines de l'île. Ce film, comme un nouveau rituel magique, vient tenter de briser ces cercles. Il ne raconte pas l'émancipation de ses protagonistes, mais en leur proposant de se représenter, dans un travail collaboratif très fort, il leur offre la possibilité de sortir un instant de leur condition, de la transcender. Ce faisant, Emmanuel Parraud part à la recherche d'un cinéma affranchi en rentrant dans un véritable dialogue créatif avec Patrice et Charles-Henri. Ainsi, en se libérant, ils nous proposent de libérer notre regard. Sans naïveté ni optimisme béat, mais avec obstination et un certain panache.


Juliette Grimont

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programmatrice


Le Gyptis

Publié le mercredi 11 octobre 2017

Paroles de programmateurs

Sac la mort

Un film de Emmanuel Parraud
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