Si le farsi est l'une des plus belles langues du monde à parler et à écouter, elle est également l'une des plus belles à filmer. Maryam Goormaghtigh nous entraîne dans une errance hédoniste sur les routes de France à travers les yeux de trois Iraniens, qu'elle filme avec une grande tendresse et une intimité impressionnante.
Des siestes, des repas et des bons mots : on se régale, on discute avec sagesse de photographie, de musique, ou d'interprétation des rêves... et surtout de nanas et de drague. La virilité de ces personnages d'ordinaire exploités dans les « buddy movies » en prend un coup, puisque c'est bien la féminité rafraîchissante de ces hommes qui se révèle peu à peu ici.
Derrière cette virée débonnaire scintille, en creux, le sombre éclat de l'âme en exil. L'appel de l'enfance, de sa terre, de sa musique, de sa poésie, de sa langue. La réalisatrice parvient, sans dogmatisme, à construire un aller-retour incessant et fécond entre deux mondes que beaucoup de clichés opposent : la France et l'Iran. On a ainsi parfois l'impression de faire du tourisme en Iran, alors qu'on est au milieu de la France profonde. Les paysages français deviennent une extension du geist iranien, avec une finesse, une simplicité, un humour qui affleurent sans recherche d'effets, sans volontarisme narratif ou esthétique.
Une image splendide et surtout une très belle bande son servent à merveille ce film qui fleure bon la liberté dans un écrin très oriental : anodin en façade, riche à l'intérieur.
Publié le jeudi 06 juillet 2017