Christophe
Duthoit
Programmateur
La cabine du téléphérique glisse en direction du sommet. À son bord, Claudine qui, au fil des reflets sur la façade de l'hôtel, oublie pour s'abandonner, comme elle n'oubliera pas pour ne plus s'abandonner à la descente ; passant de l'altitude à la plaine, de maîtresse d'un soir à ses rôles de mère et de couturière. Pour faire éclore ces deux mondes cinématographiques, Maxime Rappaz joue de la géographie. Par le choix de Jeanne Balibar qui incarne de manière envoûtante toute l'ambivalence du personnage, et par le choix de cadres très précis nous approchant souvent des protagonistes et de leur intimité, le réalisateur nous embarque sur cet axe de symétrie intérieure entre plaine et altitude et nous renvoie à nos propres dichotomies, à nos propres espaces qui cohabitent.
Un jour, Michael qui ne devait être que l'homme d'un soir, décide de rester plus longtemps. Claudine le croise sur le barrage qui en un plan devient la nouvelle colonne vertébrale du récit. Ils se parlent, se regardent, et d'une façon nouvelle s'abandonnent l'un à l'autre. Peu à peu, peut-être sous l'effet d'une musique magnifiquement composée par Antoine Bodson, le barrage intérieur de Claudine se fissure. Résistant jusqu'au bout, luttant contre son désir de vivre pleinement, elle va devoir se réinterroger sur sa relation avec son fils et sur leurs libertés respectives. La précision de la mise en scène du cinéaste, la puissance de jeu des acteurs nous entraînent dans ce vacillement, dans ce mouvement. Nous sommes au cœur du barrage et qu'importe où ira Claudine, qu'importe ce qu'elle fera. Nous spectateurs, nous irons là où notre cœur nous portera, nul doute plus libres et plus légers.
Publié le mardi 20 février 2024