Cinéastes de l'ACID
Le 1er juillet, grâce à un système de visa temporaire mis en place en février, est sorti en salles pour une durée de 2 jours un documentaire fait par et pour une plate-forme. Sans préjuger aucunement de la valeur du film lui-même, cet emploi de la salle interroge : elle se transforme en vitrine pour promouvoir une œuvre qui n'a pas été créée pour elle, dans le but de l'exploiter avant tout en ligne.
Le corollaire de cet usage est cette idée en vogue que désormais, pour faire venir et revenir les spectateurs au cinéma, il faudrait qu'ils aient le sentiment de participer à un évènement.
Pourtant, comme nous le soulignions le mois dernier, la découverte d'un film peut être un évènement en soi, en tant qu'expérience puissante et révélatrice de sens, mais aussi comme parenthèse arrachée au quotidien, déconnectée de tout, immergée dans un univers singulier.
La venue en salle des spectateurs peut aussi être motivée par un désir de collectif et de rencontre, au-delà de celle du film : le simple fait de partager une séance avec d'autres, mais aussi parfois, de débattre avec un cinéaste, un exploitant engagé, entre spectateurs. En ces temps de digitalisation accrue, rencontrer ses semblables pour échanger autour d'un film peut effectivement se muer en évènement essentiel. Les cinémas deviennent chaque jour davantage des lieux de vie, d'animation du territoire et, malgré deux ans de crise qui les ont vu fermés pendant 6 mois et désignés comme des endroits dangereux (plus que le supermarché, plus que l'église…), ils restent la première sortie culturelle des Français.
Ce travail fédérateur autour d'un film, nous le pratiquons à l'ACID depuis des années, comme acte militant pour défendre un certain cinéma et son accès au plus grand nombre. Depuis des années, nous accompagnons les œuvres sur tout le territoire pour y animer des débats. Mais quand le même évènement fait venir moitié moins de spectateurs qu'avant la crise sanitaire, il faut se rendre à l'évidence : la reconquête des publics ne peut reposer uniquement sur l'engagement militant de certains exploitants et cinéastes. Et si depuis deux ans, les uns et les autres ont fait ce travail, si la combativité de tous les acteurs du secteur s'est révélée à l'occasion de cette crise, l'épuisement guette.
Il est urgent que l'effort soit partagé, et avant tout pensé collectivement, à l'échelle de toute la filière, avec l'appui des pouvoirs publics. Il en va de la sauvegarde d'une richesse qui nous appartient à tous.
Cinéastes de l'ACID
Publié le mercredi 06 juillet 2022