Expérience


Cinéastes de l'ACID

Alors que se clôt la programmation cannoise de l'ACID – accueillie une nouvelle fois par des salles pleines et une presse enthousiaste – il nous faut d'emblée reprendre pied dans le réel des chiffres, des constats, des bilans… et il faut bien avouer qu'ils ne portent guère à l'optimisme. Une seule question revient, lancinante : que faire ? Comment faire (re)venir les spectateurs dans les salles ?

Un mot a beaucoup occupé le terrain des discours, ces derniers temps, comme une possible panacée : celui d' « expérience ». Ce qui manquerait au cinéma, c'est un supplément d'expérience – le film ne suffit plus à susciter le désir de sortir de chez soi – qui garantisse au spectateur un panel de sensations neuves et inédites. Soit.


Il est difficile de ne pas voir dans cette quête d'un surplus de cinéma (3D, 4D…) – forme que certains estiment de toute façon destinée à mourir face à la concurrence des séries ou de la réalité virtuelle – une course vaine, sans cesse perdue d'avance, spirale inflationniste qu'en économie on appelle une « bulle ». Difficile aussi, de ne pas y voir l'emprise, désormais dominante, du langage marketing, centré sur la sacro-sainte « expérience-client ».


Pourtant, il est beau, ce mot : expérience. Et sa beauté vient du fait qu'il ne désigne pas un objet de consommation passive fondée sur l'uniformisation des goûts du destinataire ; mais un acte qui s'élabore (au moins) à deux : entre le spectateur et le film, dont le premier fait l'expérience. À travers celle-ci se constituent et se rencontrent des mondes singuliers, imaginaires peut-être, chimériques jamais. Voilà ce que peuvent les films. Ils n'ont pour cela nul besoin d'un « quelque chose en plus ».


Il faut simplement que les cinéastes aient le goût de l'audace et les moyens, de film en film, de rejouer, comme en laboratoire, l'expérience de trop, celle qui déborde les catégories, celle qui tente, celle qui ose ; et il faut, en miroir, que les salles aient le désir et les moyens d'ouvrir leurs espaces au partage de telles expériences avec le public. 


À l'ACID, nous faisons l'expérience que le cinéma que nous défendons, trop souvent qualifié de « difficile et fragile », est celui qui laisse le plus de traces durables et fécondes dans l'esprit du spectateur. Les difficultés actuelles nous obligent à continuer d'inventer et expérimenter les meilleurs moyens de défendre et promouvoir ces films tels qu'en eux-mêmes. Nous nous y emploierons dès à présent.

Cinéastes de l'ACID


Publié le jeudi 09 juin 2022

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