Les bouts de chandelles


Cinéastes de l'ACID

Le cinéma est sommé d'être rentable ; la sommation s'adresse, de préférence, aux films les plus indépendants. Qu'un block-buster fasse flop, on s'en accommode, que des films d'auteur « occupent les écrans sans trouver leur public », selon la formule désormais consacrée, c'est le scandale : honte aux « enfants gâtés » de la culture !

Les apôtres de la rentabilité semblent avoir le bon sens (et l'air du temps néo-libéral) pour eux ; un sou est un sou ; l'exception culturelle, comme notre système de protection sociale, « ça nous coûte un pognon de dingue » ; le monde (le marché) a bien changé. Un quart de films sortis l'année dernière ont fait moins de 10 000 entrées. Peut-on encore se permettre de financer à fonds perdus des films que personne ne voit ?

 

Seulement, voilà, selon Le Monde[1], ces films n'ont « accaparé » que 1% des écrans et moins de 5% des financements du CNC. Supprimons donc ces 5% : nous aurons 50 films en moins et… 1% d'écrans en plus pour les films « rentables » ! Autrement dit, la diversité de nos écrans va s'effondrer pour un gain de rentabilité quasi nul, tant en termes de subventions redéployées que de places libérées pour les autres films.   

 

Quant à la subvention de 210 000 euros au Festival de Clermont-Ferrand, que la Région Auvergne-Rhône-Alpes, a divisée par deux cette année, l'économie (110 000 euros) représente 0,2% du budget culture, sport et loisirs (61 millions) de la région, qui lui-même représente 5% de son budget de fonctionnement (1,2 milliards). La baisse brutale de cette subvention, qui met en péril le plus grand festival de court-métrage du monde, permettra donc de baisser les impôts de… 0,001% !

 

À la lumière de ces chiffres, faisons donc une hypothèse. Dans l'injonction marchande faite au cinéma d'auteur, ce n'est pas d'économie d'argent public qu'il s'agit, mais d'idéologie.

 

Le scandale que représente le cinéma d'auteur, et plus généralement la culture non marchande, n'est pas dans son coût, mais dans son existence même. Parce qu'elle démontre que l'argent n'est pas le suprême critère - pas plus au cinéma, qu'à l'école ou à l'hôpital ! - elle fait symboliquement obstacle à la marchandisation de toute la société. L'enjeu de rentabilité ou d'économie des fonds publics, en réalité insignifiant, sert ici de prétexte.

 

À l'ACID, nous luttons contre cette injonction instrumentalisée de rentabilité, par les films libres de tout formatage industriel que nous soutenons, mais aussi, par la manière dont nous le faisons :  c'est la solidarité entre cinéastes, le don gratuit de notre temps et de nos efforts, pour permettre au public le plus large d'avoir accès en salle aux films d'auteur, qui est au fondement de notre association.

 

Que ce combat, dans ses implications, dépasse infiniment le cinéma d'auteur ne devrait pas nous décourager. Au contraire, c'est la preuve de son importance !


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[1] Chronique de Michel Guerrin, rédacteur en chef du Monde, du 9 juin 2023

Cinéastes de l'ACID


Publié le mardi 04 juillet 2023

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