Cinéastes de l'ACID
Très attendus, les chiffres publiés par l'Observatoire de la Diffusion du CNC le 17 janvier dernier (portant sur l'année 2021 et les trois premiers trimestres de 2022) ont tristement objectivé le constat que nous formulons depuis longtemps sur une concentration de plus en plus accrue des films dans les salles – un petit nombre de films occupent un trop grand nombre d'écrans, invisibilisant de fait une large part de la production, et notamment celle que nous défendons à l'ACID.
Parmi les nombreux tableaux et graphiques disponibles, un se distingue en particulier : la comparaison entre la concentration (en entrées) sur les dix premiers films recommandés « Art et Essai », comparée à la concentration tous films confondus. Or, depuis 2019, la concentration des films « Art et Essai » est 10% plus élevée que celle de l'ensemble des films. Autrement dit, un dispositif censé favoriser la diversité de l'offre en salles de cinéma (en encourageant les salles « Art et Essai » à programmer les films recommandés, moins exposés) provoque en retour une concentration plus accrue que la moyenne générale ! Terrifiant effet pervers dont l'absurdité devrait encourager l'ensemble des instances à remédier au plus vite à ce qu'il convient d'appeler un malaise dans l'Art et Essai. Trop de films sont recommandés, en dépit de tout bon sens, et de toute équité ; le plan de sortie de certains donne d'ailleurs le vertige (à l'exemple de Dune, sorti dans 716 établissements*), etc. Cette concentration est aussi le signal d'un effondrement des plans de sortie des films « Recherche et Découverte » (-54% de séances en 2021 pour -66% d'entrées). Nous avons déjà formulé des propositions de régulation de l'Art et Essai, et nous continuerons, dans les mois qui viennent, à exiger avec force la refonte d'un système devenu objectivement dysfonctionnel.
Les salles elles-mêmes sont également un sujet d'inquiétude : ici et là, tel cinéma indépendant se voit racheté par un grand groupe ; telle salle municipale ferme, laissant la place à un multiplexe privé ; telle municipalité oriente sa délégation de service public vers de l'Art et Essai généraliste (et on voit ce que cela recouvre) au détriment d'une programmation historiquement exigeante… Tout cela se faisant au nom de l'intérêt supposé du spectateur, grand perdant de l'histoire en réalité. Laisser le marché occuper le terrain en piétinant la diversité, la possibilité de la découverte, de la surprise et du risque ne peut pas être le signe d'une politique culturelle saine, ni d'une réflexion sérieuse quant aux mutations qui affectent le cinéma.
Une fois n'est pas coutume, et c'est un constat un peu amer, les chiffres sont avec nous. À nous donc de continuer à faire valoir la portée d'intérêt général de nos demandes, tant vis-à-vis des films que des salles pour que l'Art et Essai retrouve du sens !
___
* Sur un total d'un peu plus de 2000 établissements en France.
Cinéastes de l'ACID
Publié le jeudi 02 février 2023