La caméra relève bien plus du pinceau que de l'enregistreur, le son du matiérisme, les personnages de figures et l'histoire de l'allégorie. Voire de la tragédie grecque, ce qui n'est pas contradictoire, mais avec les ingrédients de la société d'aujourd'hui : inégalités économiques arrogantes, chacun pour soi débridé, disparition de toute empathie, perte inexorable des repères moraux, bref tout ce qui met en colère à l'ouverture du journal. Mais alors que chez d'autres, tout aussi respectables, la colère nous atteint en nous rendant profondément tristes, celle de ce cinéaste-là, qui ne laisse certes pas de nous déranger, nous subjugue aussi par ses partis pris formels rassasiant notre appétit d'art, ses inventions stylistiques osées, puissantes, magistrales. Si, donc, Boccarossa est peintre, c'est par cette prise en main du matériau cinématographique même, et par là qu'il nous offre un incontestable objet de cinéma, étonnant de bout en bout, douloureusement jouissif, par là qu'il signe une incontournable contribution au mode élégiaque.
Publié le vendredi 08 septembre 2017