Arnaud
Dommerc
Cinéaste
Il y a des films qui donnent dès leur premier plan la réalité de ce qu'ils seront. Et paradoxalement, Shimkent Hôtel se donne tout aussi bien par le dernier. Invention dans les moyens, intelligence dans la mise en scène, direction d'acteurs tenue, ce grand mouvement ascensionnel, cette grande roue qui se transforme en grue de superproduction hollywoodienne, tout cela nous émeut et termine complètement notre voyage en Asie Centrale. Car voilà que fusionnent tous les éléments du film : un road-movie policier d'aventures, un film de genre travesti, un film d'art ouvertement cinématographique. Il y a beaucoup de films dans Shimkent Hôtel, plusieurs films qui parviennent à n'en faire qu'un, et cela est assez admirable pour être souligné. Décrire chacun d'entre eux n'aurait pas grande importance, car le film a son entière unité. La certitude qu'il vous faut avoir, c'est qu'au fil d'une enquête policière dans des contrées lointaines dont on nous parle peu, vestiges immenses d'un empire soviétique dont soudainement il nous est possible de prendre conscience, vous suivrez Romain Duris, Caroline Ducey et Melvil Poupaud dans une construction narrative méticuleuse qui vous fera croiser Thibaut de Montalembert et Yann Colette, dans des couloirs d'hôtel godardiens, avec David Lynch pour les voitures, Rossellini pour le projet et le meilleur du cinéma expérimental comme lumière. Et soyez en sûr, je déteste les références, tout autant je pense que Charles de Meaux qui dans son film est loin de toute pose ou citation, mais il me fallait essayer de vous donner à voir l'intelligence cinématographique de Shimkent Hôtel. Une force pareille ne se trouve que rarement. Un martien qui vous tend si gentiment la main, par les temps qui courent, il est plutôt réconfortant de la lui serrer.
Arnaud Dommerc
-Cinéaste
Publié le mercredi 13 septembre 2017