Déjà le titre nous met sur une piste qui nous intrigue : qu'ont en commun le sentiment et la chair ? On pourrait dire que ces deux termes s'opposent et c'est sans doute une des ambitions de Roberto Garzelli de les faire se rejoindre, de trouver ce qui les rapproche. Le film serait peut-être ce chemin entre ces deux mots.
Le Sentiment de la chair est un film qui tente de réconcilier la tête et les sens. Ainsi Helena et Benoit se rencontrent sur un terrain commun, l'amour à bras le corps, l'obsession de l'autre jusqu'aux portes de la folie. « Aime-moi !, mange-moi ! » pourrait dire Helena. Là est tout le projet du film de Roberto Garzelli qui depuis ses premiers courts-métrages s'évertue à dévisager l'obsession chez l'être humain, comme si celle-ci n'était que notre seule façon d'accepter la vie, de la sublimer. Il s'empare ici de cette passion à pleines mains pour plonger physiquement dans le corps de l'autre. Et cette obsession prend corps dans cette volonté de connaître ou se cache le désir, derrière quel organe, d'ailleurs, ne serait-ce pas un organe ? Alors en bon pragmatique on explore le corps de l'autre jusque dans ses tréfonds, ses moindres recoins, et plus on semble s'en rapprocher et plus il s'éloigne. Le Sentiment de la chair est un film double dans la façon dont Roberto Garzelli a de sculpter son histoire. Alors que son regard de cinéaste penche sans aucun doute vers l'école du naturalisme, il flirte cependant ici, au travers de son intrigue, avec un cinéma de genre, s'approchant parfois du « fantastique ». Et c'est ce mariage presque contre-nature entre la forme et son sujet qui nous trouble profondément et fait du Sentiment de la chair un film rare dans le paysage du cinéma Français.
Publié le lundi 11 septembre 2017