Un cinéaste qui prend pour sujet la montée des idées de l'extrême droite dans le monde du travail (dans une petite communauté de conducteurs de bus repliée sur elle-même, tel un îlot dans l'océan de la banlieue), c'est suffisamment rare dans le cinéma pour avoir envie d'aller voir de quoi il retourne. Et quand ce cinéaste, à travers un scénario complexe et non manichéen, fait incarner le conducteur agressé au travail, puis gangrené par la violence, par cet acteur formidable qu'est Patrick Dell'Isola (révélé dans Etat des lieux), on reste fasciné par cette interprétation toute en nuances : un mélange de sensibilité à fleur de peau et de rage latente. Donnant à lire cette montée de la peur et de la xénophobie face à l'insécurité qui ronge le monde salarié. Et quand ce poison s'infiltre insidieusement dans l'intimité du couple mixte (avec la frémissante et lumineuse Nozha Khouadra) et qu'il aboutit à cette scène - hélas terriblement juste- d'éclatement du couple, on se dit que décidément, ce petit film modeste par ses moyens, mériterait d'être vu beaucoup plus largement que ne le permettra sans doute son exclusion des grands circuits de la diffusion. Ce film qui sera à coup sûr, après ses projections, l'enjeu de nombreux débats suivis avec beaucoup d'engagement personnel par ses deux principaux acteurs et son réalisateur qui savent de quoi ils parlent quand ils parlent de la banlieue.
Publié le jeudi 14 septembre 2017