Sur l'argument du voyage en Italie (un grand classique), et sur le mode, très volatile, du fragment (qui ravira les théoriciens de l'inachèvement), Solo tu ne vise qu'à une chose, traquer le presque rien de la Rencontre, ou, ce qui revient souvent au même : de la Non-Rencontre, en saisir le grain, dans sa fulgurance comme dans sa léthargie. Au grand théâtre de l'économie de marché, où le chômeur et le conseil en recrutement se font face, comme dans le petit théâtre amoureux (avec scènes de lit et vrai-faux amant) ou comédie familiale (celle des mères et des filles), Solo tu capte sismographiquement les mots, les gestes, les pensées et les actes de solitudes non-réconciliables avec une poétique à la Rozier, une cruauté qu'on ne trouve guère que, côté amoureux, chez Garrel, et côté familial, chez Pialat, et un sens irrésistiblement comique de l'espace, de l'inscription des corps, dans la plus grande tradition du burlesque, de Chaplin à Tati. C'est une petite merveille d'humour, d'émotion, de rires amers qui viennent bien s'étrangler au fond de la gorge, avec, à la clé, de vrais purs moments de grâce. Bref, c'est tout ce qu'on aime.
Publié le vendredi 15 septembre 2017