Le premier plan de La Nouvelle Ève montre Camille (Karin Viard) en train de nager la brasse. Elle paraît fatiguée, on ne sait pas si l'air happé à chaque mouvement sera suffisant pour continuer. On a l'impression qu'elle lutte plus qu'elle ne nage pour atteindre ce point invisible que son regard fixe ne lâche jamais. Mais elle avance, inspire comme elle peut, se laisse couler et réapparaît à chaque fois. Ce premier plan long et lumineux contient tout le reste du film. On y lit déjà la détermination du personnage, sa peur et sa panique, sa fatigue et surtout son envie d'atteindre une rive pour s'y reposer un instant. Le film est ce trajet. Il raconte comment Camille, en larmes, fatiguée par mal d'excès, tombe folle amoureuse d'un inconnu (parce qu'il prend juste le temps de lui donner un mouchoir) et surtout, tout ce qu'elle va faire pour obtenir cet homme. Si le film de Catherine Corsini est si réussi, c'est qu'il ne cache rien de ce qu'est une conquête, et c'est en amont de la comédie, ce qu'il contient de terrible. Il montre bien sûr la douleur du manque mais aussi la brutalité des amoureux, leur impitoyable stratégie et l'impunité que le fait d'aimer semble leur accorder. Peut-être que finalement La Nouvelle Ève est un film de guerre immoral et injuste, un champ de bataille douloureux et drôle où Camille blesse, manipule, s'approprie ce qu'il ne lui appartient pas mais aussi lutte pour sa survie. Si par sa forme, sa rapidité, ses rebondissements la comédie est l'apologie de la vitalité, alors le film de Catherine Corsini est une magnifique comédie où apparaît une magnifique comédienne.
Publié le lundi 18 septembre 2017