Le film commence par un baiser - deux ados tendrement enlacés. Et pourtant dès les premières images on se demande s'ils arriveront à s'aimer, plus qu'hier moins que demain justement. D'abord il y a ces projets dans lesquels ils sont enfermés - prendre la suite des parents... Puis les parents eux-mêmes, agglomérés dans de vieilles rancœurs familiales. Et ce petit frôlement banal avec l'inceste entre cousin-cousine s'enferre ici dans des liens trop serrés, aliénants. Pour s'aimer et se lier encore faut-il au préalable se délier de ces liens étouffants. Il leur faudrait en somme apprendre le partage, qui permet à chacun de se reconnaître comme un parmi les autres. Mais ici les pères en charge de cette transmission sont en pleine déliquescence, absents, ils se sont sabordés depuis longtemps, piétinant tous les interdits, à commencer par l'inceste. La famille est alors devenue cette masse incohérente dans laquelle les enfants doivent trouver seuls une voie(x).
Et puis il y a cet Autre, qui passe, seul espoir de médiation qui remet un peu en je(u) cette famille. Étincelle de liberté qu'ils s'empressent vite d'étouffer tant elle leur donne le vertige. Peut-être cela aura-t-il suffit - déjà dans le lointain une maison brûle. Derrière cet Autre, personnage ultra codé, se cachent toutes les révolutions possibles pour cette famille. Manière de dire que c'est au cœur du quotidien et de ses clichés que se trouve le plus surprenant, tout ce qui reste à advenir. Loin des images gratuites, sans musique ni mouvements de caméra, le cinéma de Laurent Achard tient tout entier par la justesse de cette histoire et l'immense vérité des acteurs. Sentiment rare d'avoir vécu une tragédie au cinéma. Un espace vide, du temps, une parole.
Publié le lundi 18 septembre 2017