À propos de Enfin pris?

Antoine
Desrosières

Cinéaste

Cher Pierre,


Dans Enfin pris ? tu t'adresses à nous en partant d'un préétabli sympathique : nous sommes pleins de valeurs morales, fidèles à nos rêves et amours de jeunesse, prompts à nous lever contre ceux qui - les oubliant- se corrompent pour atteindre le pouvoir, la gloire, l'argent, le confort...


En auscultant à la loupe la veste (et son revers) de Daniel Shneiderman, tu nous prends par la main et passes au tamis de ton exigence celui qui nous apparaissait jusque-là comme incarnant déjà l'une des niches de résistance au système (Arrêt sur Image sur la cinquième).


_ De deux choses l'une : soit on te suit avec le plaisir sadique de l'enfant qui arrache les pattes des sauterelles, drapé dans notre bonne conscience à toute épreuve (et surtout bien caché dans notre fauteuil) et on jouit avec toi de ces jeux du cirque ; soit, au contraire, on serre les fesses sur ce fameux fauteuil en se demandant si nous même, parfois, jamais à l'occasion, pour nourrir notre vieille mère, nous payer des vacances à Honolulu ou bien avoir cinq minutes de célébrité, on n'a pas justement déjà transigé avec nos belles valeurs, ces doux rêves d'enfance.


_ Tes détracteurs crieront au règlement de compte perso, public et malsain ou te prêteront la démarche de te consoler d'une situation marginale subie, en adoptant une posture contestataire revendiquée.


_ Ceux-là seront surpris, quand saisissant au bond cette liberté auto-octroyée avec tant de talent (vous n'êtes pas si nombreux à avoir su créer une autonomie financière équilibrée, tout aussi indépendante des télés que des subventions), tu nous offres une dernière demi-heure d'un ping-pong psychanalytique drolatique qui fait voler tous ces a priori faciles en éclats. Toi non plus tu ne te satisfaits pas de la posture du vengeur sans reproche et après avoir tendu un miroir à Daniel Schneidermann et à nous-même tu interroges tes propres limites en arrivant à cette belle question : « Ne peut-on pas faire de bonnes pour de mauvaises raisons ? ».


_ Enfin pris ? n'est pas l'œuvre d'un cinéaste qui se demande quel film il pourrait bien inventer pour incarner sa révolte, sa vision du monde, c'est l'inverse. Tu pars de ta révolte et trouves comme meilleur vecteur le film, ces bouts de sons et d'images que tu mets bout à bout comme un mathématicien construit une équation, Rimbaud un poème ou Boby Lapointe une chanson.


_ En somme, Daniel Schneidermann aurait tort de se sentir visé. Il est urgent d'exporter Enfin pris ? partout où Arrêt sur Image n'est pas diffusé, là où les spectateurs saisiront que ton film est le portrait d'une figure humaine universelle.


Reçois toute mon admiration,

Antoine Desrosières

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Cinéaste


Publié le lundi 18 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Enfin pris?

Un film de Pierre Carles
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