À propos de Struggle

Joël
Brisse

Cinéaste

Marie
Vermillard

Cinéaste

Autopsie du monde occidental


Ça commence par le geste rageur d'une vieille femme qui jette le contenu d'un verre au visage d'une infirmière, ça se termine par une enfant hilare devant un théâtre de marionnettes. Entre les deux, Ruth Madder suit le trajet d'une femme, le trajet qui la mène d'un pays où la vie est trop difficile (la Pologne) à un pays « hautement développé » (l'Autriche). Le regard de Ruth Madder, acéré comme un scalpel, décrit le travail dans nos sociétés si civilisées. Elle filme avec une économie d'expression qui est la marque des vrais cinéastes : une certaine distance, peu de mots, le respect du temps. Elle montre, expose les faits, la mécanisation imposée par le progrès technique, la réduction inéluctable des corps, leur transformation en machines (corps des poulets, corps des humains), le recyclage trivial des objets symboliques en bibelots industrialisés (à l'image de ces chinoiseries que l'héroïne dépoussière). Nos corps d'humains eux aussi conduits à s'assouvir dans le plaisir mécanique, corps pris dans un monde sans intelligence, sans révélations, sans désir, ce désir de l'âme qui remplit les corps, apporte le plaisir des sens. Ruth Madder n'a pas d'état d'âme, elle regarde et énonce les faits, les uns derrière les autres, elle nous oblige à les mettre en rapport et à conclure. Son film est tranchant comme une lame de rasoir, l'émotion qu'il procure n'est pas une émotion dégoulinante de bons sentiments, non, c'est l'émotion profonde d'un constat critique à travers cette représentation du parcours d'une femme en quête de survie dans notre monde occidental. Une femme cinéaste bourrée de talent vit quelque part en Autriche et réalise un film qui éclaire, un film qui résiste. Ça rassure, ça fait du bien de savoir qu'elle existe, comme ces cinéastes sud-américains, iraniens, asiatiques… tous réunis par la croyance qu'un film est un objet artistique capable de décrire nos sociétés et leurs contradictions. Ce très beau film se mérite, sa grandeur c'est son refus de l'aveuglement ambiant qui veut nous faire prendre l'agitation (et la débauche spectaculaire) pour la vie.

Joël Brisse

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Cinéaste


Marie Vermillard

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Cinéaste


Publié le lundi 18 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Struggle

Un film de Ruth Madder
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