Le film présente une originalité rare dans le cinéma français actuel, une liberté de ton, une étrangeté et une force poétique qui m'ont vraiment emporté du début à la fin. En totale rupture avec un cinéma européen soucieux avant tout de réalisme, la quête obstinée du très beau personnage interprété par Sylvie Testud nous plonge dans un univers à la fois de conte et de rêve éveillé que n'aurait pas renié André Breton. La France est un chant d'amour fou dans un paysage guerrier, ponctué quatre fois par des chansons simples et belles, avec une instrumentation très originale et pourtant tout à fait réaliste. Les personnages, échappant aux clichés, sont tous intéressants par leur humanité, interprétés avec inspiration par les acteurs, parfaitement dirigés.
Sans volonté démonstrative ou didactique, le film parvient à apporter un message de paix par la forme, une forme se jouant intelligemment et avec virtuosité des paradoxes, reposant sur un humour distancié et serein, une façon curieusement détachée de ne pas se prendre au sérieux et de ne rien prendre au sérieux. Face à cette humeur provocatrice frôlant parfois la farce, on a souvent envie de rire alors que le sujet n'a apparemment rien de comique. On est en fait sans cesse sur le fil du rasoir : chaque séquence est un peu comme un défi, en ce sens où le fil du récit pourrait basculer à tout moment dans l'incongru ou le ridicule. Mais il n'en est rien. Une sorte d'état de grâce mystérieux, énigmatique, traverse le film de bout en bout.
Ce goût irrespectueux pour brouiller les pistes et se situer sur un autre terrain, cette volonté inédite de mêler des genres et de faire fusionner des atmosphères qui ne l'ont jamais été, aboutissent à un film à la fois inventif et léger, étrangement musical et sans fausse note, harmonieux et équilibré. L'image, remarquable par son traitement subtil de la couleur, en parfaite adéquation avec le propos, très distincte de ce qu'on voit dans le cinéma contemporain, contribue au ton très singulier de ce film au style vraiment personnel, donnant la sensation devenue très rare d'un film qui ne ressemble à rien, d'un nouveau cinéma.
Publié le mardi 12 septembre 2017