Après La Petite amie d'Antonio, un film comme une invite discrète de l'auteur à venir boire un verre chez lui, à la campagne au coin du feu, loin des flons flons de la ville, avec ses potes, sa femme, son âne et ses chiens. Film de famille en quelque sorte. Comme chuchoté, « mezzo voce », où le cinéaste parle de lui, de son désespoir à changer jamais de monde, de sa difficulté à vivre, à affronter les autres, à parler, être avec et surtout avec les femmes (surtout quand on les aime). Silence, profondément masculin, où l'on se fuit dans la déconnante au coin des zincs, les parties de cartes endiablées, les virées dérisoires à la ville la plus proche jusqu'à l'ultime dernier verre, grandiose, où l'on « se fait » le patron facho. « Qu'on me fiche la paix ! », râle dans son coin le client beurré qui n'est autre que Manuel Poirier. Un film non pas joué, mais habité, incarné, par Benoît Régent, génial alter-ego de l'auteur traînant sa carcasse d'écorché-vif, son mal de vivre, désespéré et drôle, sa fragilité toute de violence contenue et son charme, d'autant plus tragiques et bouleversants que son destin s'est arrêté après ce film : il faut le voir dansant, seul et désespéré sur la musique déchaînée, après le départ de sa bien-aimée, dans un plan séquence inoubliable, ou errant dans sa maison abandonnée, nu et désemparé au milieu de son âne et ses chiens ; ou encore pissant à poil, seul la nuit, face aux vaches dans le pré jouxtant la porte.Un film fort, vrai, beau comme tout, comme la fulgurance de la vie sur l'écran blanc du désespoir.
Publié le lundi 18 septembre 2017